R.I.P Jonghyun

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Jonghyun se balançait doucement sur sa chaise, vidé de toute émotion. La vie n'avait plus aucun sens à ses yeux, elle était devenue terne, morne, suffisamment ennuyeuse pour le laisser seul dans sa chambre avec une pile de médicaments à ses côtés.

- Ne fais pas ça, souffla-t-on à sa gauche.

- A quoi bon ne pas le faire, ironisa-t-il à la voix qu'il entendait. Je n'en peux plus.

La vois ne répondit rien, Jonghyun l'avait fait taire. Sa conscience le dérangeait alors qu'il essayait encore de se convaincre que prendre ces médicaments étaient la meilleure solution... Enfin, non. Il savait déjà que c'était la meilleure solution, l'unique solution. Il était occupé à commander à son corps d'ouvrir ces boîtes, de prendre ces comprimés et de les avaler. Mais sa main était irrémédiablement bloquée à quelques centimètres des boîtes. Quelque part au fond de lui, il ne voulait pas ça, il voulait rester là, sur sa chaise, peut-être même à l'extérieur, sur un banc, dans un jardin fleuri... Mais on était en hiver et les seules plantes qui daignaient pousser étaient les arbustes qui perdaient leurs feuilles par centaines.

Dehors, il entendait l'agitation de la rue. Ce n'était pas commun pour le quartier si calme en général. Il entendait, malgré les fenêtres fermées, toutes les voix dans la rue. Les hommes qui riaient entre eux, les femmes qui se plaignaient de la vie, les couples qui vivaient le parfait amour, les enfants qui braillaient et qui s'amusaient à faire autant de bruit que possible, leurs voix couvertes par celles de leurs parents qui leur demandaient de se calmer, de faire moins de bruit, de ne pas troubler la tranquillité d'un lieu qui avait perdu sa plénitude depuis quelques heures sans pourtant que cela se remarque. Et lui, Jonghyun, gardait sa main au-dessus des médicaments, gravant ces bruits en fermant les yeux, savourant les dernières paroles qu'il entendrait jamais.

- Ne fais pas ça, murmura-t-on dans son dos.

N'esquissant pourtant aucun geste, Jonghyun chassa cette voix de son imagination. Si réellement cette personne était là, cela faisait longtemps qu'elle l'aurait éloigné de cette table, passant par quelques coups douloureux sur la joue qui l'aurait fait se sentir vivant.

- Ne fais pas ça, revint la voix.

- Va-t'en, susurra le chanteur. Tu n'es que dans ma tête, tu n'es rien de plus que mon imagination ! Sans toi, ça aurait fait longtemps ces boîtes ne seraient plus devant moi !

- Mais pourquoi ton esprit ne me fait-il pas taire ? Après tout, je ne suis que ton imagination. Si tu étais vraiment sûr de vouloir faire ça, je ne serais jamais apparu, s'amusa la voix démente. Pauvre petit Jonghyun, tu es si faible, regarde à quoi tu es réduit, une pauvre loque disloquée incapable de faire un travail correctement. Même ça, même prendre quelques comprimés, tu en es incapable.

- Tais-toi ! S'exclama-t-il. Tu ne sais rien de moi ! Tu n'es rien !

- Mais si je ne suis rien, murmura la voix, pourquoi suis-je encore ici ?

Jonghyun retrouva le silence, sa main n'avait pas bougé, il était figé. Faible ? C'était ainsi qu'il se voyait ? Probablement, il n'était pas psychiatre, la philosophie du comportement, ça le dépassait. Resté là depuis déjà deux heures, sans donner de nouvelles, sans prendre de nouvelles, il n'avait pas l'impression que ça durait une éternité. Au contraire, il se sentait soulagé. Le calme, le silence, c'était devenu son royaume, un royaume paisible, où il pourrait peut-être être heureux.

- Tu ne t'es toujours pas décidé, fit la voix, moqueuse. Je le savais, trop faible pour prendre ne serait-ce que le premier comprimé. Tu verras, une fois le premier passé, les autres suivront naturellement. Alors fais-le, si tu en as vraiment envie. Pour une fois dans ta vie, fais ce qui doit être fait. Après tout, tu es inutile ici.

Mais peut importe la volonté que Jonghyun mettait dans ses injonctions mentales pour commander son corps, ses doigts ne voulaient pas se refermer sur la boîte. Il était tétanisé, pas de peur, ni de froid, ni de quoi que ce soit. C'était ainsi, c'était tout, le temps physique semblait stoppé, les rues étaient devenues silencieuses, seuls quelques oiseaux chantaient.

- Tu vois, recommença la voix. Ce n'est pas parce que tu es ici, à te convaincre d'enfin sauter le pas, que la vie ne pourra pas continuer. Tu n'es pas nécessaire, tu n'es qu'un jeton remplaçable, quelqu'un qui ne peut pas rester dans les cœurs. Tôt ou tard, on t'oubliera, alors à toi de choisir le moment où on cessera de penser à toi.

Les doigts de Jonghyun tremblèrent, ils se rapprochaient de la boîte, la si petite boîte qui contenait son issue de secours, sa dernière carte, la dernière qu'il jouerait, celle sur laquelle il miserait tout.

Lorsque la pulpe de ses doigts frôla le plastique blanc, il y aurait dû y avoir un choc, il aurait dû se réveiller, il aurait dû retirer vivement sa main. Mais non. Hypnotisé, Jonghyun passa ses doigts sur la surface lisse du cylindre, caressant l'emballage de son joker. Effleurant délicatement du pouce les stries du capuchon bleu, un frisson traversa son corps. Il était temps.

Doucement, même s'il était impatient, il ôta le bouchon du récipient. S'arrêtant toutefois sur les écritures de l'emballage, il sourit amèrement.

- Ils auront au moins rempli leurs rôles. Ils n'étaient pas si inutiles que ça, de toute évidence.

- Allez, fit la voix, tordue par l'inconscient de Jonghyun. Tu retardes l'inévitable. Personne ne sera là pour toi quant tu t'éclipseras de toute façon.

- Je sais, je sais.

D'un geste brusque, Jonghyun porta le cylindre à ses lèvres, avalant comme un rien les quelques dizaines de petits comprimés de la boîte encore neuve.

- Et voilà, ma dernière bonne action.

- Je ne te le fais pas dire.

- Peut-être que j'ai fait une erreur, soupira doucement Jonghyun en se sentant partir.

- Il est trop tard pour regretter.

Lorsque lune se leva, il n'était pas encore tout à fait 18h, ce fut elle, à travers la vitre, qui accueillit Jonghyun à demi endormi. Elle n'était pas ronde, ni éclatante, mais à demi formée, terne, fade. Elle reflétait son existence. Lorsque les oiseaux cessèrent de chanter, c'était fini. Définitivement.



Et voilà.

Je suis désolée si je vous ai fait pleurer, mais c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour exprimer ma douleur face à sa mort. Jonghyun était l'un de mes chanteurs préférés, l'une de mes voix préférées. Il me manque déjà énormément.

Repose en paix, Jonghyun.

R.I.P JonghyunOù les histoires vivent. Découvrez maintenant