POV Emma
Quatre murs.
D'apparence frêles et ternis, ces quatre murs sont les pilliés de mon étroite cage. Cette seule pièce qui me permet de me cacher du regard que le monde porte sur moi. Cette chambre au fond du couloir, dans laquelle personne n'ose jamais entrer. Cette cage aux tourments où seule mon âme, Ô combien en souffrance, ose se réfugier.
Comme chaque nuit, le sommeil me fuit. Les yeux rivés au plafond, éclairé à la seule lumière de la lune, je me demande si quelqu'un se souvient que j'existe, que j'ai existé. Si mon mutisme ne m'a pas rendu invisible aux yeux de tous, si ma souffrance ne m'a pas rendu inexistante.
Je me demande si elle ne m'a pas oubliée, tel un lointain souvenir.
Souvent je me demande pourquoi je suis encore là, pourquoi je continue de vivre. Jusqu'à ce que les souvenirs de notre rencontre refassent surface.
Ce fût un soir de printemps.
Je m'en souviens encore comme si c'était hier, j'avais décidé de fuir, loin de ma vie qui ne consistait qu'à survivre chaque jour un peu plus. Une énième famille sans amour, des amis qui s'apparentaient à des bourreaux, une maison avec pour seule chaleur celle des enfers qui y reignaient. Bien loin d'un foyer aimant et chaleureux, fuir était devenu ma seule et dernière chance avant que je n'abandonne, que je ne quitte ce monde effroyable. J'avais alors marché, des heures durant, sans m'arrêter, sans me retourner.
Au plus profond de mon être je n'avais qu'un espoir : celui que tout change, que l'on me donne une chance d'enfin être heureuse.
La nuit commençait à tomber et je n'avais nulle part où aller, nulle part où dormir, je n'avais pris qu'un sac avec quelques vêtements, pas d'argent. J'avais alors décidé d'arrêter ma fuite et de me promener, visiter les environs et découvrir cette petite ville éloignée de tout. Accompagné d'un calme nocturne apaisant et de mes rêveries, j'avais marché sans prêter attention à la direction que je prenais, me laissant guider par la lune et les quelques lampadaires qui éclairaient les rues. Et c'est ainsi que j'avais fini près d'un étang, bordé d'arbres et de quelques roseaux. C'était magnifique. La beauté de la lune se reflétant sur l'eau n'avait d'égale que cette jolie brune un petit peu plus loin. Elle semblait peindre les cannetons qui barbottaient dans l'eau, fascinée et concentrée, elle retraçait chaque élément de cette vision heureuse. Elle était seule, avec ce qui semblait être une bouteille de bordeaux. Et elle était ivre. Pas à cause du vin, non, elle semblait ivre d'envie, complètement absorbée par ce spectable sauvage qui se déroulait devant elle.
Sûrement rêvait-elle de vivre un bonheur simple elle aussi.
À ce souvenir une larme perla sur ma joue.
J'étais restée là un moment, à l'observer, à la contempler, avant de finalement trouver le courage d'entrer dans sa bulle. Doucement je m'étais approchée pour m'assoir à ses côtés. Je ne voulais pas les effrayer, ni elle, ni les cannetons, elle m'en aurait voulu d'avoir brisé un tel spectacle. Elle n'avait pas réagi à ma présence dans un premier temps, elle se contentait de laisser glisser son pinceau sur la toile avec une aisance évidente. Sa toile était réellement magnifique, peinte aux couleurs de « La nuit étoilée » de Van Gogh, je ne pouvais qu'aimer. Son art résidait dans ses gestes, dans son sens du détail et de l'observation. Chaque lueur était parfaitement tracée, en faisant l'une des plus belles toiles que j'avais pu voir.
Prise dans ma contemplation, je n'avais pas vu qu'elle me regardait. Déstabilisée d'avoir été prise à la regarder avec autant d'insistance, j'avais baissée la tête pour cacher les rougeurs sur mes joues. Je m'attentais à ce qu'elle me demande le pourquoi de ma présence dans sa bulle mais elle n'en fit rien. Elle s'était contentée de me fixer à son tour. Son regard sur moi me brûlait avant même que je ne le croise. Intriguée, j'avais relevé la tête et j'étais tombée dans un regard chocolat intense. J'étais partagée entre l'irrépressible envie de baisser la tête pour ne pas avoir à subir cette intensité si insoutenable et entre cette envie de m'y noyer éternellement. Le rouge de ses lèvres accentuait ce regard brun hypnotisant, ne la rendant que plus envoûtante, sans compter cette petite cicatrice au dessus de sa lèvre. Cette femme était incontestablement magnifique, personne n'aurait pu nier cette évidence. La lune face à elle lui donnait un teint presque surnaturel, j'étais complètement éprise par cette inconnue.
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NIGHT OF HOPE (SWANQUEEN)
FanfictionLà où l'espoir s'efforce de régner dans l'obscurité. Ceci est un one-shot, c'est donc une histoire en une seule et même partie.