Sombre Réalité (Terminé)

chapitre 55

À l'entame de mon septiéme jour, survint la nouvelle qui fit tout basculer.

Comme d'habitude, je m'affairais aux fourneaux avec mame astou mais cette derniére n'était pas dans son assiette.

Je me rendis compte qu'elle me regardait comme si elle avait quelque chose à me dire, quelque chose qui lui pesait mais qu'elle avait du mal à exprimer.

Je croyais même discerner de la culpabilité ou du regret dans son regard.

Ne voulant nullement paraître trop curieuse, j'avais préféré m'abstenir de poser la moindre question.

Son attitude me mettait trés mal à l'aise mais je m'efforçais de me concentrer sur ce que je faisais.

Je priais intérieurement pour que quel que soit le soucis qui la rongait, je ne sois pas impliquée.

Jamais je n'aurais supporté que par ma faute cette dame si généreuse aie des problèmes.

Jamais je n'aurais put me faire à une nouvelle déception et pourtant ce fut ce qui se passa.

Alors que je reunissais tant bien que mal la vaisselle à laver, mame astou me dit:

                    - mariane je dois te parler.

Je m'essuyais les mains de suite et m'asseyais soucieuse à côté d'elle.
Pour la premiére fois depuis que je la connaissais, je vis qu'elle était incapable de supporter mon regard.

                     - je vais te raconter une histoire.

J'étais vraiment perplexe.
Elle m'avait appelé pour me raconter une histoire?
J'étais perdue alors je gardais le silence et l'observais attentivement.

Elle continua sur sa lancée:

                        - il y a trente cinq ans de cela, vivaient içi tes arrières grands-parents, abdou faye et sa grande soeur mariane faye ainsi que les tantes, les oncles etc. Cette famille était alors beaucoup plus vaste qu'elle ne l'est aujourd'hui.
Ton arriére grand-pére était le gardien des esprits de la famille. Ces derniers veillaient sur les faye et les faye constituaient la famille la plus noble et respectée de ce village.
Vînt le jour où un jeune homme arriva içi assez gravement bléssé. Il disait venir du village de ndiaréme et que la nuit l'avait surpris en plein milieu de la forêt; les chacals l'avaient attaqué et sérieusement blessé.
Ton arriére grand-pére lui a donné asile içi, dans cette maison et avait demandé aux femmes de s'occuper de lui.
Il fut soigné et chéri par tous.
Ta grand-mére mariane faye etait celle qui passait le plus de temps avec lui. Aux yeux de tous, ils étaient devenus des amis inséparables.
L'homme resta prés d'un mois içi et lorsque ton arriére grand-pére le jugea apte à repartir, il continua son chemin aprés avoir remercié tout le monde.
Ce jour là, mariane avait tellement pleuré que tous étaient vraiment inquiets mais on se disait que c'était à cause de leur amitié précaire.
Elle se calma quelques jours aprés et on oublia tous le jeune voyageur. La vie avait reprit son cours jusqu'au jour où le sacrilège arriva.
Presque deux mois aprés que le voyageur soit réparti, mariane présenta des signes de grossesse qu'elle tenta de dissimuler mais que sa mére fut la premiére à remarquer. Je ne sus par quel moyen mais elles réussirent à cacher cette grossesse trois mois durant. Mon mari se rendant compte des mutations physiques de mariane avertit son pére mais il etait déjà trop tard, les villageois avaient déja commencé à jacasser. Tout le monde savait pour la honte qui avait frappé les faye. Mariane faye avait été engrossée par un étranger qui, de surcroît, n'était plus là. Je te laisse deviner la catastrophe. Les mauvaises langues allaient bon train.
Ton arriére grand-pére ne put supporter cette honte. Il ne put supporter d'avoir crut à une amitié qui, en fait, était de l'amour déguisé.
Craignant alors le courroux de son mari, ma belle-mére envoya mariane à Dakar.
Mon beau pére déversa alors toute sa bile sur sa femme qu'il répudia de la pire des maniére. Ainsi se brisa la digne famille faye. Rien ne pouvait non plus apaiser la colére des esprits jusqu'à ce qu'ils demandent en compensation l'enfant qu'attendait mariane. Cet enfant devait à sa naissance être la fille sacrée des esprits. Ton beau pére eut beau avertir encore et encore son ex femme de faire revenir sa fille mais cette derniére ne voulut plus jamais remettre les pieds au village. Tous croyait que mariane et la fille qu'elle portait ne survivraient pas car elle avait désobei aux esprits mais l'enfant naquit quelques mois plus tard sans problèmes. Ma belle-mére décéda quelques années plus tard et mon beau pére essaya de faire revenir sa fille jusqu'au jour de sa mort.
Mariane n'est plus jamais revenue içi et sa fille était fyfia, ta mére. Ainsi a grandi fyfia qui n'a jamais entendu parler de cette histoire et à qui on avait fait croire que son pére était décédé. Elle non plus n'est jamais venue içi. Seul son mari est venu sans elle quelques jours aprés l'avoir épousé. Nous avions tous compris que mariane faisait tout pour éloigner sa fille du village. Jamais nous n'avons compris pourquoi les esprits les avaient laissé en vie jusqu'à ce que abdou faye devint le successeur de son pére et que les esprits lui confient que tous ceux qui seront descendants de mariane faye seront maudits jusqu'à la mort. De toute leur vie, jamais ils ne seront heureux. Les esprits reprendront leur dut au moment venu.

Je  ne croyais pas à ce que j'entendais.

Mais qu'est ce que ça signifiait bon sang?
Tous mes malheurs seraient alors le fruit d'une malédiction?

Mais moi je ne croyais pas en ces choses là et pourtant c'est ce qui m'arrivait.

Je laissais mame astou continuer.

                         - pendant sa grossesse, on a appris que fyfia était constamment malade. À ta naissance, son état de santé s'était détérioré jusqu'à sa mort. On savait tous içi que le diagnostic des médecins avait beau être un cancer, fyfia a été reprise par les esprits comme ils l'avaient dit et je suis sûre que ta grand-mère aussi le savait.

Pour la premiére fois depuis qu'elle avait débuté sa narration, mame astou leva les yeux vers moi.

                   - voici l'histoire de ta famille. Voilà pourquoi ce que tu m'avais raconté à propos de ton pére m'avait écoeuré mais guére surpris. C'était à prévoir. Les descendants de mariane faye vivraient à jamais dans le chaos. C'était prédit.

Ok.
J'avais besoin d'un bon coup pour digérer tout ça.