Collectionneur devant l'éternel, Isaac Ackermann voyageait beaucoup, à la recherche d'antiquités diverses et variées, quadrillant la France pour dénicher de quoi peupler sa boutique et s'envolant parfois vers d'autres cieux - des métropoles étrangères - quand il s'agissait de satisfaire son curieux penchant.
Son bazar raffiné, réputé pour son goût exquis et son côté très « cabinet de curiosités », n'était qu'un alibi, un moyen de vivre de sa passion, de faciliter les contacts pour compléter sa macabre collection à laquelle il ne manquait qu'une pièce : la véritable Vierge de Fer, disparue dans les bombardements alliés à Nuremberg. Depuis quelques décennies, il en cherchait la trace, persuadé qu'elle n'avait pas été détruite quand d'autres criaient au mythe, à l'imposture.
Tandis que son employé accueillait les clients et gérait d'une main de maître son magasin, lui traquait le moindre appareil de torture. De temps à autre, mû par ses obsessions, il se rendait au Musée de la criminalité au Moyen Âge, à , pour voir la réplique de cet engin de fantasme. Un frisson lui parcourait l'échine à chaque visite : il lui fallait cette pièce, l'originale. Ou cette copie, en attendant ! Fichtre ! Il détestait les musées, ces reliques du temps jadis qui ne circulent plus, qui s'offrent à la curiosité malsaine de gens incultes et prennent la poussière. Un tel trésor méritait non seulement de garder son mystère mais que l'homme lui voue un véritable culte.
Souvent, le soir venu, errant nu parmi les dangereuses trouvailles qui jonchaient la cave de sa maison, les caressant d'une main tremblante, il se masturbait. A chaque soir son rêve : un authentique taureau sicilien, une véritable roue de Sainte Catherine, et même - il n'en était pas peu fier - un magnifique sarcophage de Perse, créé pour le supplice le plus cruel qui soit : le scaphisme.
L'heureuse victime était enfermée dans le sarcophage d'où seuls ses membres et sa tête dépassaient. Gavée comme une oie jusqu'à être immergée dans ses fèces, elle se faisait dévorer par les vers nés de ses déjections. Une invention aussi abjecte que brillante ! Il avait mis dix années à le dénicher, ce sarcophage. Il était splendide ! Que d'émotions il ressentait à le caresser, à imaginer les victimes bouffées par les larves, leurs entrailles chaudes et luisantes, suintant les excréments. Combien de fois avait-il éjaculé dedans, les yeux pleins d'étoiles ?
Un jour, Isaac reçut un message qui l'enchanta tout particulièrement :
« Vous ne me connaissez pas, mais j'ai eu vent par un de vos confrères, Monsieur Cavalletti, que vous recherchez la Vierge de Nuremberg. J'ai des informations quant à sa localisation mais je ne les partagerai pas par mail. Vous vous en doutez probablement, mon message n'est pas désintéressé : je sais que vous possédez les lettres de Siebenkees et j'aimerais les consulter de visu, entendez par là, pas sur un document numérique. Je pense y trouver des informations pour une thèse que je prépare, laquelle concerne l'existence de la Vierge de Fer. Je me tiens à votre disposition pour tout renseignement complémentaire et souhaite vivement vous rencontrer.
M Blogarski. »
Jamais de sa vie il n'avait reçu de nouvelle plus fantastique que celle-ci ! Il s'empressa de répondre à ce courriel, sans toutefois omettre de contacter Cavalletti. Ce dernier le rassura sur les intentions de cet étudiant, sérieux, érudit quoiqu'un peu pédant. Le traitre, il n'avait pas divulgué cette information en vain. D'après lui, son confrère avait tout à gagner à le rencontrer dans les plus brefs délais. Dieu soit loué, pensa Ackermann, ces satanées lettres étaient finalement plus précieuses qu'elles n'en avaient l'air. Il se félicita de les avoir dérobées dix ans plus tôt, avec la complicité de Cavalletti. Qui eût cru que ces considérations farfelues sur ce mythique appareil de torture le mènerait finalement à la localiser ? Il le sentait, c'était en lui, une intuition gravée au fer rouge : il touchait enfin au but.
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Bradbury's Babies
القصة القصيرةRecueil des nouvelles que j'ai créées dans la cadre du Bradbury Challenge 2017-2018. Objectif du challenge : écrire une nouvelle par semaine, pendant un an. Mes objectifs : la régularité, me dépasser, dompter l'envie, aller dans des genres ou des r...