Lucien put faire une courte pause pour manger pendant le dîner à petit couvert du roi, sur les coups de treize heures, mais dut reprendre sa place lorsque vint l'heure de la chasse. Cette activité, qui d'habitude lui était agréable, revêtait ce jour les atours de l'effroi. Comment allait-il diable supporter le sort imposé par la reine, à cheval ? Sans même parler du danger de la situation, la chasse n'était pas un simple divertissement, mais une réelle épreuve où des chasseurs étaient régulièrement blessés ou tués.
Il ne disposait cependant d'aucune échappatoire.
Vers quatorze heures, le Grand veneur et le Grand écuyer, le duc de Polignac, l'époux de Gabrielle, entrèrent dans la chambre du roi, pour se placer à ses côtés, avant qu'une cinquantaine de courtisans et de nobles, triés sur le volet, les suivissent.
La pertuisane toujours en main, Lucien observait les hommes et les femmes, à la recherche du moindre danger envers le monarque, tandis que celui-ci mettait ses bottes de chasse. La reine ne tarda pas à entrer également, dans une tenue presque masculine qui attira des regards et quelques discrets commentaires. Ses dames de compagnie, y compris la duchesse de Polignac, se trouvaient à ses côtés.
La reine s'inclina devant le roi, avec une grâce innée :
— Votre Majesté, dit-elle, que chassons-nous ce jour ?
— Nous courrons le sanglier, répondit le roi, suscitant aussitôt des applaudissements discrets.
La reine s'inclina à nouveau, visiblement ravie. Elle semblait pure et élégante en société, bien loin de l'image de la veille. Lucien, qui sentait l'olisbo plus vivement depuis que la monarque se trouvait là, fit de son mieux pour ne pas y songer davantage et retourner son attention sur les courtisans.
Le Grand veneur, lorsque le roi fut prêt, lança officiellement la chasse. Tout le beau monde se dirigea vers la cour du château, où autant de chevaux attendaient les courtisans. Le duc de Polignac tendit au roi les rênes de sa monture et le monarque monta en selle. Le duc aida ensuite la reine, ignorant certainement que celle-ci entretenait une étrange relation avec son épouse. Les Garde-du-corps et les nobles de premier rang imitèrent le couple royal, bientôt suivi par le reste des courtisans.
Lucien resta proche du roi et de la reine, qui ne lui accorda pas la moindre attention. Comme il l'avait pressenti, chaque pas de sa jument le faisait tressaillir, le morceau de bois bougeant en lui en rythme. Il fit de son mieux pour ignorer la gêne, mais une chaleur remontait le long depuis son entrejambe sans qu'il pût la contrôler.
Ses mains s'agrippaient au pommeau de la selle, ses cuisses enserrant le flanc de l'animal du mieux qu'il le pouvait, alors qu'il luttait pour demeurer concentré. Il avait l'impression que les cavaliers ne pouvaient que se rendre compte de son tourment, mais lorsqu'il regardait autour de lui, personne ne lui accordait la moindre attention.
Les pavés laissèrent rapidement place à la terre battue et la route aux chemins, alors que la troupe entrait dans le domaine de Versailles. Il ferma les yeux un instant, envahi par un désir contre lequel il se trouvait impuissant, démuni. Les souvenirs de la veille lui revenaient, par bribes. La langue de la reine sur son sexe humide. Les mouvements de l'olisbo. Gabrielle qui se touchait devant lui. Il se mordit les lèvres alors que l'orgasme s'imposait à lui par vagues brûlantes, incapable d'y résister plus longtemps. L'extase dura, et dura, mais par miracle il ne tomba pas de cheval.
Haletant, il reprit ses sens, le sexe contracté autour de l'engin de délicieuse torture. La honte l'habitait, mais elle restait secrète, pour l'instant. Combien de temps allait-il bien pouvoir supporter l'objet ?
Bientôt les aboiements des chiens leurs parvinrent et ils arrivèrent dans une petite clairière, à l'orée de la forêt, où la chasse commencerait. La meute comprenant une vingtaine d'animaux, qui tiraient avec force sur leurs longues laisses de cuir, retenus par les aides du Grand veneur.
La forêt était humide, odorante. Le ciel gris menaçait de se percer et de laisser tomber des trombes d'eaux d'un instant à l'autre, mais il en fallait davantage pour repousser une chasse à courre.
Leschevaux s'arrêtèrent et Lucien put souffler. S'il ressentait toujours lapénétration, au moins celle des va-et-vient avait cessé et il ne risquait plusl'orgasme en pleine chevauchée. Hélas, son repos fut de courte durée cependant,car très vite le roi donna l'ordre et les cavaliers s'enfoncèrent dans lesous-bois, accompagnés par les rabatteurs, les maîtres-chiens et la fanfare.
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Les infortunes de Lucien - (extraits du roman édité)
Ficção HistóricaVersailles, 1776. Lucien est Garde-du-corps du roi, prestigieuse position qu'il doit à la bienveillance de la reine. Hélas, son Altesse royale ne manque pas de lui rappeler ses devoirs envers elle, ce qui pourrait bien le mener à sa perte. Un roman...