- Prologue -

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— Il était treize heures lorsque mon cœur a cessé de battre.

Althæa murmura ces mots, sans qu'aucun indicateur ne lui permît de connaître le temps.

— L'horloge tourne, continua-t-elle à voix haute. Une minute s'est écoulée depuis.

Son regard tenta de se poser au sol, mais il n'y avait rien. Vide, c'est le mot qui convenait le mieux. Partout autour d'elle, l'obscurité s'était bâtie un empire.

Althæa passa trois fois la main devant elle, comme si elle cherchait à atteindre de la matière imaginaire. C'était un réflexe inutile dont elle peinait à se passer. La Terre lui manquait, la consistance lui manquait. Y retourner, c'est tout ce qu'elle souhaitait. Pourtant elle redoutait ce jour. « Celle qui soigne ne peut renoncer à son devoir. » Ces mêmes mots répétés en boucle par cette voix unique finissaient par sonner vrai. Celle-ci s'était présentée sous un nom il y a longtemps : Mortalis. Un nom qui rimait beaucoup trop avec la mort.

Apprendre la prochaine tâche à accomplir et devoir ensuite la mettre en pratique, c'était devenir le diable en personne une fois de plus. Mais vivre, toucher, sentir, renaître...

Une illusion, une farce ; elle le savait. Et pourtant, quelle belle illusion !

Althæa plongea son esprit dans les méandres du temps, puis ferma les yeux. Soudain, son mal de tête reprit, plus violent que les fois précédentes. Une autre voix lointaine lui parvint, sèche. Puis cruelle, elle se fit intrusive, riant de sa permission :

Je vous poursuivrai autant de temps qu'il faudra ! Jusqu'à ce que la souffrance des enfers ne soit rien en comparaison de ce que je vous aurai fait endurer !

Des milliers d'aiguilles acérées se plantant dans son corps : ce fut la première chose qu'elle ressentit en entendant ces mots. Une douleur atroce, vive, immortelle.

Althæa vida aussitôt son esprit de cette vision, bouleversée, ses yeux s'ouvrant de nouveau sur le vide. Son cœur aurait battu si fort s'il l'avait encore pu. Ses lèvres commencèrent à remuer faiblement, et quelques bribes de mots lui échappèrent :

— Je... je dois donner vie à... cette chose.

Par désespoir, Althæa voulut frapper du poing, sans succès. Elle maudit l'horrible prison que constituait le vide intersidéral. C'en était assez. Elle désirait retourner sur Terre, mais à quel prix ?

— Je refuse ! cria-t-elle. Il doit y avoir un autre moyen. Oui... un autre... peut-être...

La voix mécanique de Mortalis répéta les mêmes phrases programmées en boucle, précises, indiscutables :

Celle qui soigne ne doit jamais refuser. Elle accomplit son devoir, ou demeure à l'arrêt. Il n'existe pas d'alternative possible. Vous devez tout visionner avant de retourner sur Terre.

Le scénario se répétait, lui infligeant la torture de la goutte d'eau. Althæa désira se lever, se dresser contre cette monstruosité qui la dévorait de l'intérieur un peu plus chaque seconde. Cependant, le vide l'en empêcha, toujours le vide. Se lever par rapport à qui, à quoi ? Une totale absence de repères. Elle ne gravitait qu'autour d'elle-même. Se faire mal ? Se mettre en colère ? Même cela lui était refusé. C'était comme forcer quelqu'un à demeurer dans un état de rêve lucide. On ne reste maître plus que de sa pensée. Et encore, ces visions imprévisibles la dépossédaient de son esprit.

La liberté lui manquait le plus. L'idée d'en être privée un instant supplémentaire lui était insupportable. Elle aurait pu mettre fin à son existence, mais comment se pardonner une si grande lâcheté ? Sa vie, ses émotions, sa mort n'étaient rien. Sa mission était tout. « Pas le choix », pensa-t-elle. « Je ne peux pas... »

En son for intérieur, elle prit une grande inspiration, et prononça d'une voix tremblante ces mots qui scelleraient le destin de milliers d'êtres vivants à jamais :

— Puisse ce monde me pardonner, et l'autre me remercier de ce que je m'apprête à faire.

 — Puisse ce monde me pardonner, et l'autre me remercier de ce que je m'apprête à faire

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Note de l'auteur :

Toute l'histoire a déjà été rédigée et corrigée. Un nouveau chapitre sera publié tous les vendredis. Si vous remarquez la moindre faute, n'hésitez pas à me la signaler, et je pourrai aussitôt rectifier (on n'est jamais à l'abri de quelques erreurs, même après une correction).

Autrement, n'hésitez pas à voter ou à commenter ce qui vous a plu ou déplu. J'espère que ce prologue vous aura mis en appétit pour découvrir la suite. : )

ALTHÆA - T.1 - La Mère des CendresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant