Chapitre 2

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L'envie d'abandonner était plus forte que tout.

Elle avait recommencé, vous vous doutez bien. C'était censé être une soirée douce et agréable. Elle se rendait à l'anniversaire d'une de ses amies les plus proches. Elle était Capricorne alors force est de constater qu'elle aimait passer du temps seule, loin des conversations souvent forcées et autres hypocrisies dont l'Homme était maître. Mais elle était assez extravertie et sociable. Cela conduisait à une juste balance entre ces moments seules dont elle avait besoin, et ceux qu'elle aimait passer entourée des personnes qu'elle aimait. Les discussions incessantes avec son amie, les fou-rires, les chansons entrainantes et ainsi une explosion de joie, l'attendaient comme à chaque fois.

Personne de son entourage ne s'était encore aperçu de sa transformation. Il faut dire qu'elle était très douée pour cacher ce qu'elle ressentait, et ce qu'elle ne ressentait plus justement. Elle était cette fille débordante de joie de vivre, qui riait en permanence, peu importe ce qu'il pouvait se passer dans sa tête et son coeur. Personne n'aurait pu dire en la voyant qu'elle prétendait, la plupart du temps. 

Entourée de ses amies les plus proches, elle arrivait encore à échapper à toutes les pensées qui se bousculaient dans sa tête. Elle arrivait à oublier sa condition de robot. Elle arrivait à faire une pause, et rire de bon coeur, enfin jusqu'à cette fameuse soirée. Elle était assise en milieu de table à coté de la reine de la soirée et était ainsi au centre de toutes les conversations. Elle aurait adoré ça en temps normal. Lancer les discussions et délires, mettre l'ambiance, c'était ce qu'elle aimait faire. Oui, vous reconnaissez là ce qui reste d'une de ces collégiennes insupportables toujours en recherche de popularité. Mais bon, ce n'est pas le sujet.

Pourtant ce jour là, elle était restée en retrait, incapable de parler, incapable de prendre du plaisir. Elle était juste enfoncée dans son siège, le regard dans le vide, entendant au loin la discussion de ses amies sans y prêter attention. Elle était juste spectatrice de la scène et de sa propre vie. C'était à ce moment là, qu'elle se rendit compte qu'elle ne ressentait même plus de joie. Elle se leva précipitamment, s'excusa auprès de ses amies puis sortit du restaurant. Il était bientôt minuit, elle allait donc rentrer à pied jusqu'à chez elle. Elle regardait autour d'elle mais ne voyait personne, comme si le temps s'était arrêté.

Il n'y a personne, pas un bruit, il fait nuit noire et je ne suis même plus capable de ressentir quoi que ce soit. Je suis morte. Je vais disparaître, ça y'est, et personne ne se rappellera de moi.

Elle marchait rapidement, sans prendre la peine de fermer sa veste et enrouler son écharpe autour de son cou. Le ciel était complètement noir, la lune était même cachée et seul la lueur jaunâtre des lampadaires éclairait les pas saccadés de la jeune fille. Il y avait un vent glacial qui en ferait frissonner plus d'un. Mais pas elle, elle n'y faisait même pas attention. Elle se croyait morte, alors le froid ne l'atteignait pas. Elle continuait juste son chemin alors que les larmes ruisselaient sur ses joues avant de s'écraser sur le sol. Elle n'avait pas honte de craquer dehors, personne n'était là et de toute façon, personne n'aurait fait attention à elle, elle était morte.

A peine arrivée chez elle, elle essuya ses larmes du revers de sa manche, embrassa le front de sa mère pour lui dire bonne nuit et partit s'enfermer dans sa chambre, prétextant être fatiguée de la soirée. Elle attrapa le premier truc coupant qu'elle vit, et l'approcha de son avant bras, ouvrant sa peau d'un coup sec et assuré, sur quelques centimètres. Au moment où la douleur et le sang jaillirent, elle comprit qu'elle était toujours en vie. Elle n'était peut être plus capable de ressentir, mais nul doute, elle n'était pas morte.

Elle en avait toujours eu peur. Le soir dans son lit, lorsqu'elle avait 12 ou 13 ans, elle ne pouvait pas s'endormir sans pleurer pendant des heures avant. Elle pensait, sans cesse à ce qu'il y avait après la mort. Elle ne voyait rien. Elle n'était pas croyante, elle pensait simplement qu'on disparaissait à tout jamais.

Si je meurs, c'est comme lorsque je dors. Non... parce que je serai incapable de rêver... Le jour où je mourrai, je cesserai simplement d'exister. Je ne penserai plus, je ne rêverai plus, je ne serai plus consciente. Il n'y aura plus rien, juste du vide et du noir. Même pas, je ne serai même pas consciente de ce vide et ce noir. Je n'existerai plus.

Elle n'avait jamais pu l'accepter, et ne l'accepterai sans doute jamais. Elle n'arrivait pas à comprendre qu'un jour elle n'existerait plus. Malgré toutes les difficultés et souffrances qu'elle avait subies, c'était la vie, c'était le prix à payer pour pouvoir penser, ou tout simplement vivre. Elle ne pouvait pas imaginer qu'un jour elle n'aurait plus le droit à cela.

Mais alors, si elle a si peur de la mort, d'où vient cette envie d'abandonner ?

Au fil des années, cette jeune fille s'était renfermée, chaque jour un peu plus pour supporter la douleur. C'était un mécanisme de défense plutôt bien construit. À chaque problème, elle se refusait de ressentir quoi que ce soit, refoulant ainsi cette peine, ou cette colère qui lui empoisonnait le coeur. Elle se concentrait sur les moments de bonheur qu'elle éprouvait entourée des personnes importantes. Et cela fonctionnait parfaitement, pendant des années. Elle arrivait à être heureuse, en mettant de côté ce qu'elle subissait et supportait alors, avec une force incroyable tout ce qui pouvait lui tomber sur la tête.

Mais à présent, tout ceci avait échappé à son contrôle. Elle avait refoulé chacun de ses sentiments, au point qu'elle n'arrivait même plus à ressentir de la joie... Vivre sans souffrance, est ce que tout le monde souhaite. Vivre sans aucune bonheur, est ce que tout le monde craint.

Il lui restait une dernière lueur d'espoir, sa soeur. C'était grâce à elle, qu'elle n'avait pas complètement sombrer. C'était la gardienne de son coeur, la gardienne de ses sentiments. La seule personne au monde pour qui elle ressentait encore. Tout était amplifié pour elle, que ce soit la joie, la peine, le manque, l'amour. La seule et unique personne qui permettait à notre personnage principal de ressentir, de ne pas devenir entièrement un robot psychopathe. Peut être qu'elle était insupportable aux yeux de sa sœur, au vu des nombreuses crises qu'elle lui faisait. Mais quand un milliard de sentiments affluent pour une seule et même personne, vous vous doutez bien que cela est compliqué à gérer.

L'envie d'abandonner était plus forte que tout. Elle n'en pouvait plus d'essayer de se battre pour retrouver sa vie. Tout serait tellement plus simple si elle fermait les yeux, et arrêtait de vouloir à tout prix retrouver ses sentiments. Elle ne se prendrait plus la tête avec ça, elle ne détesterait plus la personne qu'elle est devenue. Elle n'aurait plus honte, elle n'éprouverait plus de dégoût en voyant son reflet dans le miroir. Tout serait tellement plus simple si elle arrêtait complètement de ressentir.

Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliquer ? Elle ne pouvait pas abandonner. Elle n'avait pas survécu pour abandonner maintenant. Elle allait prévenir sa sœur. C'était son seul espoir. Elle avait aveuglément confiance en elle et savait qu'ensemble, elles allaient trouver une solution. Ensemble, elles allaient s'en sortir. Ensemble était la solution à tous ses maux.

Together for always

Save MeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant