A l'aube, quand le soleil se lève, qu'il éclaire peu à peu le ciel, créant un magnifique spectacle où l'orange et le rose s'affrontent pour une douce bataille, les corps meurtris des anges déchus sont dévoilés au monde entier. La chute durant la nuit a brisé quelques âmes, une chute horriblement longue, l'espace et le temps se figent, le décor défile devant leurs yeux vitreux, ils appréhendent une réception brutale qui est inévitable, leur ailes autrefois colorées d'un blanc étincelant, recouvertes de délicates plumes qui reflètent la clarté à l'intérieur d'eux sont maintenant d'un gris lugubre, les plumes sont sèches, salies.
Puis leurs corps heurtent le sol. La douleur glace leur sang, serre leur coeur, étouffe leurs poumons. Le bruit est sourd, l'atmosphère est lourde, mais pourtant ils sont bien là, en morceaux. Ils tremblent, leur élégance habituelle a disparue, ils ne sont plus rien, bientôt ils seront recouverts par la terre et ne seront plus qu'un souvenir. Le genre de souvenir qu'on évite d'aborder, ceux qui font mal, qui hantent et qui terrorisent même les plus courageux.
Le tableau est triste, les plaines sont de véritables champs de bataille, ils sont tous là, contre ce maudit sol, comme si leurs racines étaient implantées dans la terre, comme si ils ne faisaient qu'un avec la nature. Le vent balaye doucement les victimes, il susurre à leurs oreilles une mélodie angoissante. D'en haut, leurs anciens frères les regardent, sourire espiègle aux lèvres, ils ne savent pas que bientôt, ils subiront eux aussi la chute mortelle.