Prologue

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The Average Life of a Teenager:

Entrée du 29/08/16; 04h45 :

" Entrez votre texte ici "

Les doigts en suspens au dessus du clavier, je ferme les yeux et inspire profondément avant de laisser retomber mes bras le long de mon corps. Panne d'inspiration quand tu nous tiens. Pourtant, il va bien falloir que je me résigne à écrire quelque chose. Après n'avoir posté aucun article de tout l'été, si je les laisse encore sur leur faim, mes abonnés risquent de se faire la malle et je n'ai aucune envie que ça se produise. En ce moment, la tenue de mon blog et la petite communauté d'internautes qui me suit, c'est ce qu'il y a de plus palpitant dans ma vie.

En y réfléchissant bien, c'est sûrement ça, l'origine du problème.

Après deux mois d'absence, je devrais avoir des millions d'histoires à raconter. Comme toutes ces filles, à la télévision, qui pépient d'impatience à l'idée de retrouver leurs amies et de partager avec elles les aventures vécues durant l'été. Seulement voilà, ce n'est pas mon cas. J'ai beau chercher, rien de ce qui à pu m'arriver ces dernières semaines n'est digne d'intérêt. Aucune nouvelle rencontre. Aucune fête jusqu'au bout de la nuit. Aucun réveil à l'aube dans les bras d'un bel inconnu.

Non. Rien. Nada.

Si j'étais parfaitement honnête avec mes lecteurs, je leur dirais que je viens de passer les quarante cinq derniers jours à Santa Monica. Les pieds dans l'eau... une tisane à la main. Et que, quand les autres adolescents faisaient la fête, moi je visitais des musées avec mes grands-parents. Mais je ne peux pas me permettre de leur dire la vérité. Parce que personne n'a envie de lire ce genre de banalité.

Alors, je dois maintenir l'illusion.

Je hoche la tête une dernière fois, me redresse, et me résous à faire ce que je refusais jusqu'alors. Leur mentir. Par omission peut-être, mais un mensonge tout de même.

" I'm baaack, Bitches !

Vous savez ce qu'on dit ? Toutes les bonnes choses ont une fin... et les vacances d'été ne font pas exception. Malheureusement.

Alors, même si j'aurais aimé pouvoir encore me dorer la pilule sur les plages de Californie, ( pendant les dix prochaines années ), je n'ai pas eu d'autre choix que celui de rentrer. Mais ne pleurez pas pour moi, cher(e)s ami(e)s, j'emmène avec moi l'odeur des embruns et une malle pleine de souvenirs. Que je vais partager avec vous. 

En attendant mon prochain post, je vous laisse avec une sélection de photos que j'ai prises cet été.

A très vite !

- J "

Voilà qui est fait.

J'ai bien conscience que le fait de mettre en ligne cet article, sans vrai contenu, n'a pas grand intérêt, mais une fois n'est pas coutume je n'ai pas écrit en pensant à mes abonnés. Non. C'est très égoïstement que j'ai posté ce billet. Je sais que c'est pitoyable de rechercher auprès d'inconnus du soutien pour mon premier jour de cours. C'est d'une tristesse sans nom, je le sais, mais cette rentrée m'apparaît beaucoup plus stressante que les précédentes. 

Peut-être parce que c'est la dernière avant l'université. 

Quoi qu'il en soit, même si je suis loin d'être d'une nature anxieuse en règle générale, ce matin j'ai l'impression d'avoir une boule de plomb dans l'estomac. Et quand je jette un coup d'oeil à mon réveil South Park et que celui-ci affiche sept heures, le corps étranger dans mon abdomen semble doubler de volume. Quelle idiote ! Je viens de passer les deux dernières heures à rédiger ce foutu article au lieu de dormir, de méditer ou de chercher un moyen de me faire porter pâle. Ce qui n'est pas très intelligent, puisque, à quelques minutes du départ pour le lycée, mon instinct de survie vient de passer en pilote automatique et a enclenché le seul moyen de défense à sa portée : la panique. J'ai chaud, froid, mon coeur bat à tout rompre dans ma poitrine, et je crois que je vais finir par vomir mes céréales sur mon clavier. 

Je ne crois pas avoir déjà été aussi nerveuse. Peut-être parce que, au fond, j'espère que cette année tout sera différent. 

Mais avant tout, j'aimerais un peu de répit. Oh, pas grand chose, juste une journée ou deux. Et je finis par me dire que, si j'offrais mon poisson rouge en sacrifice aux dieux païens je m'attirerais peut-être leur clémence. Mais il faut croire que le rituel occulte, ce n'est pas à l'ordre du jour. Puisqu'une voix pâteuse m'interpelle depuis le rez-de-chaussée :

- Jamie ! Bus ! Dix minutes !

Mon père, chef d'entreprise accompli, quarante-deux ans au compteur, et toujours incapable de faire une phrase avec sujet/verbe/complément avant onze heures.

- J'arrive...

Je grommelle plus que je ne répond, forcée de constater que je n'ai plus la possibilité de faire demi-tour. Machinalement, je jette un dernier coup d'oeil en direction de Bubulle, qui tourne dans son bocal, inconscient du sort auquel il vient d'échapper, et je me décide enfin à quitter ma chambre, en soupirant. Ma poitrine se serre quand la porte de ma chambre claque dans mon dos. Je. N'ai. Aucune. Envie. D'y. Aller. Malheureusement, je n'ai pas le choix. La mine basse, je rejoins mon père qui attend au bas des escaliers, une main sur la rampe, l'autre en visière au dessus de ses yeux.

- Bonjour

- 'jour p'pa

Alors que je m'attendais à une réflexion sur mon élocution ou mon manque d'entrain, mon père se contente de me laisser passer, en m'offrant un sourire qui se veut rassurant.

- Haut les coeurs Jamie, ça va aller... 

Je lui répond par le même sourire et m'éloigne en hochant la tête.

Bien sûr que ça va aller. Je n'en doute pas une seconde. Depuis mon entrée au lycée, je n'ai jamais eu aucun problème, que ce soit avec les professeurs, en cours ou avec les autres élèves. C'est bien ce qui me chagrine. Il ne se passe rien. J'ai toujours échappé à ces fameux hauts et bas qui rythment la vie des adolescents lambdas mais qui restent théoriques pour moi.

Il semblerait que je fasse partie de ceux qui sont "trop" et "pas assez" à la fois.

Trop classique pour qu'on me considère comme une excentrique et qu'on me classe dans la catégorie des parias, mais pas assez ... pour être considérée comme une fille populaire.

Pas assez quoi ? C'est la question à un million.

Je n'ai aucune idée de ce qui me manque pour gravir les marches qui me séparent du sommet de l'échelle sociale mais j'espère que cette nouvelle année scolaire m'apportera la réponse et qu'enfin, les choses évolueront pour moi.

Je sais que je ne devrais pas me plaindre. Même si je ne crois pas me trouver à une place de choix, beaucoup s'en contenteraient. Mais on dit aussi "à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire". Et cette citation ne m'a jamais parue aussi vraie qu'aujourd'hui. Parce que, en ne traversant aucune épreuve, j'ai le sentiment de passer à côté de l'expérience. 

J'approche de l'âge adulte et je sais que je suis censée vivre les plus belles années de ma vie, pourtant, je n'en ai pas l'impression. 

Parce qu'au fond, je m'ennuie.

Mais cette année, les choses vont changer. Je le sens.

F*ck it ListOù les histoires vivent. Découvrez maintenant