Les Achroniques - 2314, tome 1

Orphelins

New-Seattle, Quartier 9.7, Cache d'Éthan #02, 18 avril 2314

Éthan

— T'es pas sérieux, demanda l'adolescente.

Pour la première fois depuis qu'ils se connaissaient, Éthan la vit angoissée.

Le premier jour où il l'avait vue, elle semblait morose et était sur le point d'être interceptée par un Sp-220. Elle n'en avait rien à faire et après qu'il l'eut sauvée, elle avait vaguement dit merci et l'avait suivi sans conviction. Elle semblait souvent énervée, ennuyée, à la recherche de sensation et elle ne restait jamais longtemps. Le géant blond en vint même à se demander si c'était bien Kris' face à lui.

— Je sais pas si j'en aurais le ... courage. Mais, sérieux, il faut que tu te bouges.

— J'ai ... perdu deux proches d'un coup. Tu peux pas comprendre, lui asséna-t-elle. Et ... et j'ai rien fait pour les aider.

— On parie ?

Éthan regretta en partie cette phrase alors même qu'elle s'échappait de sa bouche. Il gratta une joue imberbe et baissa ses yeux bleus en craignant de l'avoir blessée. Ce n'était pas correct de se moquer de sa peine.

Il releva les yeux et la trouva, patiente, ses puits verts attendant visiblement l'histoire. Il regretta encore plus mais commença.

— Je n'ai pas toujours été seul, tu sais ...

Pas de réaction. Il s'éclaircit la voix tout en essayant de faire le tri entre souvenirs et cauchemars.

— Je devais avoir 7 ou 8 ans quand les combats ont commencé. C'est difficile de garder ... la ... euh ...

— La notion du temps, devina Kris'.

Il confirma tout en regrettant de ne pas parler aussi bien qu'elle.

— Du coup, il y a eu des combats. Beaucoup de gens fuyaient mais Papa ne voulait pas quitter le quartier. Je ne sais plus pourquoi. Mais Maman était d'accord et on était tous cachés dans notre appartement en attendant que ça se calme.

— La grande mutinerie, glissa Kris'.

— Quoi ?

— Non, continue. Je pense savoir de quels combats tu parles.

— Ah. D'accord. Bon, du coup ... on était cachés. Mais il y a eu une grande explosion pas loin. Maman a supplié Papa pour qu'on fuit. Enfin, je crois. Ça fait longtemps.

Elle buvait ses paroles. Même si Éthan ne voyait pas comment on pouvait boire quelque chose de pas matériel.

— Donc on a quitté l'appartement en espérant pouvoir revenir plus tard. J'ai retrouvé nos affaires mais l'immeuble était brisé à partir du deuxième étage donc on était mort à cause des gravats.

Elle ne corrigea pas sa phrase même si le temps semblait bizarre au jeune homme.

— Et on a couru, se reprit-il. Longtemps. Mais les fusillades semblaient toujours se rapprocher. Et tout d'un coup Papa s'est effondré. Je sais pas avec quoi ils ont tiré mais il avait un trou dans le dos et plusieurs os du dos cassés.

Il attendit qu'elle glisse un mot mais elle continuait de le regarder en silence. Il respira profondément pour dissiper son malaise.

— Maman m'a emmené jusqu'aux gravats les plus proches. Elle m'a dit de me cacher et qu'elle allait chercher Papa. Je suis entré par la fenêtre d'une cave et j'ai pu tout voir grâce à un débris de plafond.