L'Ombre du doute

167 38 18
                                    


« Certains s'en vont, traversent ces mers-là.

Certains demeurent et épousent cette fange-là.

Nos vies se dérobent. Nos rêves sont hâlés.

Ce n'est point notre assurance qui nous ronge,

Ce sont nos appréhensions.

L'avenir se dessine, incertain, oscillant.

Nous voilà au pas de la porte.

Nous y voilà presque

Nous tergiversons, suivons les fluctuations enseignés.

Nous doutons encore.

Mais nous ne voulons plus de ces questions auxquelles manquent encore la répartie.

Nous ne voulons plus de ces images mal fagotés.

Nous voulons terrasser la peur... »

Il nous fit une présentation digne d'un entretien d'embauche. C'était un homme de petite taille, des yeux d'Argus cachés sous des verres aux lentilles doublées. Il avait un physique assez banal, le tout entiché sous une costume banm tout twal mwen brun. Mais son air sévère poussait au respect. Monsieur Monet disait il s'appeler. Et monsieur Monet posa la question qui sembla ébranler la classe de terminale, de plus d'une trentaine d'élèves : « Que voulez-vous être à l'avenir ? » L'avenir, ce temps-là nous paraissait à la fois, bien loin, pour ce début de mois de septembre; mais aussi trop proche, car la réponse à cette question, nous en doutions encore. L'avenir, nous en avions trop peur. Alors nous n'y pensions pas ou nous exhibions la réponse que l'on attendait de nous. Celle que veulent entendre les autres, celle qu'espèrent les parents. Un moyen sur d'échapper aux difficultés quotidiens et de faire envier les voisins, si la chance nous le permettait. « Je serai médecin ! » déclara fièrement Ritnch. « Et moi avocate » notifia le second élève. « Je me ferai prêtre. » surenchérit le troisième. Et agronome, architecte, banquiers s'en suivirent. Monsieur Monet parut fier. Pourtant lorsque monsieur pointa de sa règle Dubuisson, la face basanée de celui-ci blêmit. Il était autant indécis que chacun de nous. Autant paralysé dans ses espoirs par la peur de l'avenir, sur une terre qui ne semblait pas en avoir. Il cherchait la bonne réponse. « Alors Monsieur Dubuisson, que seras tu, une fois tes études classiques achevés ? »

-Je me ferai menuisier monsieur, comme mon père.

Un petit rire survola la petite assemblée.

-Mais pourquoi menuisier mon garçon. Pourquoi pas ingénieur ? Ou avocat ? Ou prêtre ? Comme les autres.

-Parce que j'aime ça monsieur. Répondit, le plus simplement du monde Dubuisson...

« ...Le monde nous étreint

Les censures sociales ne pardonnent pas.

Jamais, nous ne trouverons grâce aux yeux du monde.

Il éteint nos espoirs.

Bafoue nos existences.

Nos vies sont tachées de l'empreinte de ces rythmes sur lesquels nous dansons,

Les yeux fermés, mais le pas indécis.

Ce n'est point notre assurance qui nous tue.

À l'ombre d'une Pergola Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant