À L'ombre D'un Regard

CHAPITRE 14

Toute la nuit, Ada avait pleuré en silence aussi longtemps que lui avait permis ses yeux, et c'est pourquoi elle ne s'étonnait pas de les voir aussi bouffis au réveil. Contre sa volonté, elle avait assisté à tous leurs bruyants ébats sexuels, qui avait duré des heures et des heures, jusqu’au bout de la nuit. Les bruits sourds qu'elle avait entendus lui donnait l'impression qu'il y'avait un ouragan dans la pièce voisine. Elle était restée éveillée jusqu'à ce que la pute, comme elle l'appelait, soit partie au petit matin. Couchée sur le dos à écouter les secondes s'égrainer sur son réveil, elle hésitait à aller au boulot aujourd'hui. Après tout elle pourrait appeler et se faire porter pâle.

Non ce n'était pas le moment, elle avait suffisamment de problème financier pour avoir à gérer un renvoi. Fatiguée, Ada quitta le lit, prit une douche dont elle ne senti pas les effets, servit un repas assez conséquent à ses chiens afin qu'ils puissent tenir toute la journée et s'en alla. Elle ne pensait même pas à lui faire son petit déjeuné. De toute façon il était hors de question qu’elle cuisine pour lui afin qu’il récupère d’une nuit non-stop de baise avec une autre femme, et cela sous son toit. Quand elle s'arrêta devant sa porte d’entrée, son esprit s'attarda sur le SUV tout neuf qui occupait toute la place dans son minuscule garage. James le lui avait donné le jour où Nathanaël était arrivé, et elle n'avait jamais pensé à l'utiliser, mais aujourd'hui, c’était différent.

- Vous avez gagné au loto entre-temps ? Demanda une des femmes de cette chaleureuse bourgade quand Ada verrouillait l'immense voiture un fois arrivé à destination.

Elle se contenta de lui sourire poliment sans répondre. Et toute la journée s'était déroulée ainsi. Tous les clients tenaient à savoir à qui appartenait la voiture, et une fois qu'elle leur répondait, ils tenaient en plus à savoir où elle avait trouvé de quoi se le payer. Pour la première fois depuis cinq ans, elle était redevenue l'objet des messes basse. Certaines allaient la traiter de prostituée dans son dos, d'autres de voleuse, mais aujourd'hui elle se foutait royalement de ce que pouvait penser toutes ces personnes qui passaient en regardant le véhicule. Elle se foutait de tout et de tout le monde à tel point qu'elle ne rentra pas faire de quoi manger à Nathanaël à midi. Il n’avait qu’à se débrouiller. Et quand elle eut fini à la boulangerie, elle ne rentra pas comme d'habitude, mais préféra aller répéter au club de Max pendant plusieurs heures. Ce n’est finalement qu’aux alentours de 22h30 qu’elle remit les pieds chez elle, l’humeur toujours aussi sombre, elle fit faire leurs besoins aux chiens et continua directement dans sa chambre. Sans prendre le soin d'allumer la moindre ampoule, elle laissa tomber sa sacoche à même le sol, et se jeta sur son lit. Et cette nuit-là, elle dormit comme la dernière, c'est à dire très mal.

Pour le deuxième jour d'affilé, Ada se réveilla avec des cernes sous les yeux, et une colère persistante contre le monde entier. Elle fit la même chose que la veille, mais cette fois, quand elle voulut partir, elle ne put se résoudre à le laisser sans manger. Après un grognement de capitulation qui l’énervait plus qu’autre chose, elle referma la porte en se dirigeant vers la cuisine. Mais il était hors de question qu'elle se casse la tête à faire un truc compliqué pour lui. Se saisissant d'une boîte de ravioli, qu’elle ne prit même pas le temps de réchauffer ou de vider sur une assiette, elle se contenta de l'ouvrir et d'y mettre une cuillère, déposa ensuite le repas plus une bouteille d'eau qui ne venait pas du réfrigérateur, sur le pas de sa porte, sans plateau, et toqua puis s'en alla.

Avant même qu'elle ne puisse atteindre la porte d'entrée, elle entendit la porte de Nathanaël s'ouvrir, et peu de temps après, Ada entendit des pas rapides dans son dos.

La tension devint feu, et ses poils se hérissèrent avant même qu’elle ne le voit.

- Qu'est-ce que c'est que cette merde ? Cracha la voix sèche de Nathanaël.