Chapitre 12

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Rentré au château, Lucien réfléchissait à la marche à suivre. Le plus simple aurait été d'aller voir le capitaine et de l'informer que des espions anglais comptaient commettre un assassinat à Versailles. Quelques Gardes-du-roi eurent tôt fait de les arrêter et de les faire parler.

Hélas, s'ils auraient certainement révélé leur plan sous la torture, il y avait fort à parier que le nom de Gabrielle ressurgît également. La reine l'avait chargé de se débarrasser de la duchesse d'Aiguillon, et elle ne le prendrait certainement pas bien si Lucien faisait disparaître son amie à la place. Mais il fallait qu'il agît et vite.

Le roi n'était pas encore couché quand il entra dans les appartements royaux. Peut-être que la duchesse n'avait pas encore rejoint le Trianon pour la nuit ? Lucien la chercha, pour la seconde fois de la journée, et il finit par la trouver dans le salon de la paix, entourant la monarque comme les autres dames de compagnie. Lucien ne pouvait l'aborder directement, mais il pouvait lui faire porter un mot par l'un des innombrables domestiques.

Il passa dans un petit cabinet et demanda plume et parchemin, avant d'écrire un message, qui, il l'espérait, attirerait son attention :

Madame, notre rencontre à l'Encelade a été un épanouissement sans commune mesure et je souhaiterais vous rendre les délicieuses saveur que vous m'avez fait découvrir. Je gratterai à votre porte par deux fois, après le coucher du roi. Ouvrez-moi si mon invitation suscite votre curiosité.

La mention du bosquet n'était pas anodine et risquait fort de susciter une réaction chez la duchesse. Lucien fit porter le message, sans manquer d'observer la réaction de Gabrielle. La petite servante lui remit discrètement le message et, sans en laisser rien paraître, la duchesse en prit connaissance. Elle ne se retourna pas pour chercher du regard l'expéditeur, comme aurait pu l'espérer le lieutenant, et elle reprit la discussion avec la reine comme si de rien n'était. Si elle jouait vraiment un double-jeu avec le royaume d'Angleterre, elle était très douée.

Lucien s'éloigna, en attendant l'heure de tenter sa chance dans les appartements même de la duchesse.

***

Lucien passa dans les couloirs, juste derrière les appartements de la reine, où logeait la duchesse. Certains salons étaient encore animés, même si la plupart des nobles ayant participé à la courre avait déjà rejoint leurs chambres, épuisés par l'effort.

Il s'arrêta finalement devant la porte où une plaque dorée lisait « Duchesse de Polignac ». Le lieutenant prit une profonde inspiration, puis il gratta à la porte.

Il attendit une réponse, l'oreille tendue.

Deux servantes passèrent dans son dos, tout en discutant.

La flamme de la lampe du couloir vacillait, nécessitant qu'on la rechargeât bientôt.

Il passa la main dans sa veste pour en sortir sa montre, lorsque la porte s'ouvrit. Une dame de compagnie, d'au moins deux fois l'âge de la duchesse, l'observait, ses yeux semblant percer les intentions de Lucien.

— Monsieur ? demanda-t-elle.

— Je suis désolé de vous importuner, mais la duchesse...

— ... s'est retirée pour la nuit, l'interrompit-elle.

— Je me dois d'insister, le sujet est important.

— S'il l'était, j'en serais informée. Maintenant partez, avant de vous ridiculiser davantage.

Lucien s'apprêtait à répondre quand une autre voix se fit entendre, depuis l'intérieur :

— Laissez-le entrer, Louison.

Les infortunes de Lucien - (extraits du roman édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant