#1 - Charlie

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Travailler, encore et encore. Le choix ne s'offre même plus à lui, il prend ce qui lui tombe sous la main. Il se fiche de sympathiser avec ses collègues, des horaires ou même du type d'emploi. Il sait que de toute manière, ce n'est que provisoire. Qui veut embaucher un type qui doit gérer toute une famille alors qu'il est lui-même un des enfants de cette famille ? Peu de monde. Il a tout fait, de la garde d'enfant à brancardier, tout ce qui est possible de faire sans formations particulières ni diplômes. Il n'a rien, il est démuni face à la vie, et pourtant il ne lâche rien. Parce qu'il n'est pas seul à vouloir vivre. Deux jeunes femmes comptent sur lui, il doit s'occuper de payer l'appartement et la nourriture pour eux trois. C'est une tâche difficile, trop difficile. Mais il n'abandonne rien, il n'a pas le choix.


Lui ? Charlie. Un type qui aurait pu être prodigieux. Enfant, il avait une intelligence à toute épreuve. Les mathématiques, les tournures de phrases, les langues étrangères. C'était un jeu d'enfant pour lui. Et pourtant, il avait mis tout ça de côté pour s'occuper de ses sœurs. Elles vivaient avec lui, dans un appartement minable qui n'avait même pas assez de chambre pour tous les trois. Il devait dormir dans le salon avec la plus grande, sur un canapé-lit. Enfin, quand elle daignait dormir à l'appartement. Il ne savait pas ce qu'elle faisait de ses nuits, d'après elle, elle travaillait tard à sa boutique de fleurs alors elle y passait la nuit dans la salle de repos. Il ne savait pas s'il devait la croire ou non, mais, mine de rien... son absence le soulageait.


N'était-il pas horrible de penser ça ? Qu'il était mieux sans sa petite sœur ?


Un réveil sonne près de sa tête, Honey a encore déserté cette nuit. Il ne fait pas de bruit pour réveiller Lou, sinon il sait qu'il ne pourra pas partir travailler. Lou se fiche pas mal de l'argent, de la nécessité que cela représente. Malgré son âge, elle n'est pas mature pour un sou. Elle paierait les gens avec des sourires et des paillettes si on lui en laissait l'occasion. Mais elle ne sortait pas tant que ça, un soulagement pour Charlie. Car il se demandait sans cesse ce que faisait Lou, et surtout si elle était en mauvaise posture. Cette enfant lui signera son arrêt de mort, il stresse beaucoup trop pour un type de son âge.


Il ne prend même pas la peine de manger, ce matin. Il ne reste presque plus rien en nourriture matinale et son banquier l'a déjà appelé une fois ce mois-ci. Il devait se limiter, se priver, pour que ses sœurs en profitent. Et pourtant, il avait faim. Dans le bus qui allait le mener à son travail temporaire, il sentait son estomac se contracter et grogner sa rage d'être vide. C'est frustrant. Surtout le matin, passer à côté des boulangeries qui s'éveillent avec leur délicieuse odeur de pain chaud, c'est une torture. Mais Charlie tient bon, il garde la tête haute.


En jetant un coup d'œil à son agenda, il s'assure du travail qu'il doit effectuer pour aujourd'hui et il s'élance en dehors de l'appartement, petit mais douillet.

Gamin, Charlie aimait beaucoup être auprès de son père. Il s'asseyait souvent auprès de ce gros fauteuil et il l'écoutait énoncer les nouvelles du journal ou bien lire un livre quelconque. C'est comme ça qu'il a acquis une grande partie de ses connaissances. Bien entendu, Charlie aimait aussi beaucoup sa mère. Il la regardait cuisiner du coin de l'œil, lorsqu'il était assis à la table de la cuisine en train de faire ses devoirs.

Tout cela est terminé aujourd'hui, mais Charlie pense souvent avec une mélancolie non cachée à cette famille. Même ses sœurs d'avant. Elles lui manquaient.

"Excusez-moi. Vous êtes Charlie?"

Sortant de ses pensées, le brun acquiesça. Oui, c'était lui Charlie. Un type qui se battait pour survivre alors qu'une partie de son esprit était coincée dans le passé.

Blue moonWhere stories live. Discover now