Chute brute

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La sonnerie de son réveil le tira d'un sommeil lourd tel un poisson attrapé par l'hameçon du pêcheur. Sortit de sa zone de confort de façon peu agréable. Il s'habilla, se coiffa et descendit déjeuner avant de quitter la maison pour se rendre au lycée, sa routine matinale. Longeant des maisons toutes identiques il ne se rendaient même plus compte à quel point le goût manquait. Plutôt préoccupé par la musique qu'il s'injectait par pavillon externe, Castiel marchait en pilote automatique, ensorcelé par les diverses instruments qui ensemble, formaient une belle harmonie. Jauni par les premières lueurs du jour le brouillard laissait se découper la silhouette du garçon, tintant l'ambiance de mystère. La musique rythmant ses pas, il avançait malgré la fraîcheur de l'air. La rue était déserte, pas un chat à l'horizon, rendant la scène des plus glauque. Seulement un kilomètre séparait le lycée de se maison, c'est seulement à la moitié du trajet que la brume se dissipa. En dehors du nuage la vie paraissait normale, la route voyait passer quelques voitures, quelques personnes sortaient de chez elles. Le ciel était bleu vif contraste avec les quelques nuages blancs éparpillés par le vent. La sensation d'oppression éprouvée dans le nuage avait disparue ainsi que l'air glacial. Un passage piéton lui faisait face, lui insufflant l'ordre de s'arrêter. En attendant le passage des quelques voitures, il promena son regard sur les alentours. Quelqu'un promenant son chien, un oiseau picorant quelques graines tombées sur le sol, un jardinier creusant un trou afin d'y planter un arbuste. C'était comme une bande dessinée dans laquelle chaque pages aurait été dédiée à une personne présente sur ce coin de rue. Sans prévenir, la migraine le rattrapa et courait droit devant ses yeux, une lampe torche éclatante vissant dans ses yeux des centaines de petites vis chauffées à blanc. Il pouvait entendre son cœur marteler dans sa poitrine, il pouvait sentir son sang circuler dans ses veines et il voyait au loin ses yeux se fermer. Il se trouvait à des années lumières de son corps, il regardait l'écran, voyant la caméra tourner, descendant, tourbillonnant jusqu'au sol, où l'écran devint noir. Le film n'était pas terminé, l'écran était toujours noir mais on pouvait entendre autour des bruits indistincts. Les tympans détectaient des signaux, malheureusement le cerveau n'était pas d'humeur à les interprétés. La torpeur l'envahit ensuite, il se sentait bien, une température douce, le silence total. La volonté de rester ainsi le tentait beaucoup, néanmoins la peur l'enveloppa le tirant à son confort. Deux choix s'offrait à lui et il fallait réagir vite. Soit il restait ici, confortablement, et mourait, soit il sortait reprendre le contrôle de son corps et il vivait. Ayant perdu toute notion du temps, il réfléchit le plus efficacement afin de faire le choix le moins regrettable possible. Vie ou mort ? Ses convictions le poussait à aller du côté de la mort, il était mal dans sa vie, trouvait le monde répugnant et s'ennuyait énormément. Tandis que sa conscience le tirait vers la vie, la mort était un choix de facilité et surtout c'était un aller simple. La vie l'emporta, il se dirigea vers la porte de sortie, quand une main se posa sur son épaule. Elle était chaude et réconfortante, une voix s'éleva et lui susurra à l'oreille: "Tu as fait le bon choix... Bat toi ! " Le garçon  se retourna, l'ombre s'était déjà évaporée. Il tourna la poignée ronde, ses yeux s'ouvrirent, faisant face au plafond de la chambre d'hôpital. Pas âmes qui vivent, seulement des appareils médicaux, rythmant le vide de leurs bips monotones. Castiel se redressa, étant alerte aux mouvements alentours. Une infirmière passa dans le couloir qui longeait la chambre, voyant par la fenêtre qu'il était réveillé elle entra. Elle fit ensuite quelque tests pour voir si il n'y avait pas de séquelles, tout en lui expliquant comment il était arrivé ici. En résumé il perdit connaissance, les témoins appelèrent les urgences et cela fera une semaine aujourd'hui qu'il est dans le coma. Elle conclut en le rassurant sur son état et lui dit qu'il sortira très prochainement peut être dans un ou deux jours. Après le départ de l'infirmière, il alluma la télévision de la chambre pour voir si quelque chose d'important était arrivé durant son absence. Rien de bien nouveau, la routine, des guerres, des hommes politiques cupides qui ne se préoccupent de rien d'autre que de leur personne...La routine. Quand il changea de chaîne sa mère rentra, un sourire de soulagement sur son visage. La fatigue creusait sur son visage, des cernes aussi grandes que son sourire. Elle prit son fils dans ses bras, elle avait eu peur. Il était content de la voir mais n'imaginait pas l'angoisse qu'elle avait pu subir en voyant  son unique enfant, encerclé par des machines, le tirant vers la vie. Il n'y avait aucun certitude qu'il s'en sorte. Sa mère avait gentiment préparé son plat préféré, pour fêter son retour. Ce soir là, ils regardèrent un film et se couchèrent tôt. Dehors, les étoiles noctulicentes parsemaient le manteau de la nuit. Castiel parvint a trouver le sommeil facilement sans grand étonnement. Son périple à l'hôpital l'avait exténué. À son réveil, il était d'une forme olympique, il descendit mangea ses céréales et réalisa qu'il était en week-end et qu'il n'avait pas à aller au lycée. Cette idée l'enchanta de plus belle. Qu'allait il faire de cette journée ? Cherchant l'inspiration, il alluma la télévision et mit une chaîne au hasard, le journal de 8 heure parfait, quoi de plus neutre pour réfléchir. D'une oreille peu attentive il fixait le poste, quelque secondes plus tard, la même oreille était subjuguée par ce que racontait le présentateur. Des images montraient les conséquences qu'avait eu un tremblement de terre en Haïti, des maisons effondrées, des gens implorant de l'aide, des parties de terrains décimées, une catastrophe naturelle, encore une. Cependant ce qui l'avait intrigué était le fait que cet événement se soit produit au même moment que sa vision. Castiel resta incrédule sur le canapé réfléchissant à cette curieuse coïncidence.
"J'ai sûrement relié les deux par rapport à la violence qu'ils ont pu déployer à mes yeux. Pourquoi ai-je l'impression qu'ils ont un lien? Le thème de ma vision n'avait pas de rapports avec le tremblement de terre, ni avec l'Haïti d'ailleurs. Inconsciemment j'ai fait cette supposition. Les dates correspondent, l'intensité était à mes yeux équivalente mais les habitants ont étés anéantis mentalement et non physiquement, quoique quelque blessés, aucuns morts. C'est tout de même incomparable. Je crois que les médicaments combinés à la fatigue me font divaguer..."
Il coupa l'écran et se leva avec entrain. Le seul problème était qu'il ne savait toujours pas quoi faire. Il marcha dans la maison, sans savoir où il allait. Il monta l'escalier en direction de sa chambre. Son bloc a dessin, posé sur son bureau, semblait l'appeler. L'envie lui prit donc de dessiner son rêve. Quelques deux heures est demie plus tard, les moindres détails de cette illusion étaient retranscrits dans ce carnet à dessin. Son coup de crayon n'était pas digne des plus grands néanmoins il en était satisfait et cela lui permettait d'y voir plus clair. Il était resté longtemps dans la même position ce qui l'avait fatigué. Il s'allongea sur son lit, face au plafond blanc. Une sensation de confort et de satisfaction extrême l'envahit, différente de celle qu'il avait pu vivre lors de son coma, ses paupières devenaient lourdes comme si sa rangée de cils inférieurs tirait son opposé avec une corde. Il s'endormit.  Un sommeil lourd sans rêves, sans visions. À 18 heure, il émergea, perturbé par la porte d'entrée qui avait claqué. Sa mère rentrait du travail, son poste d'infirmière ne lui permettait pas d'être souvent chez elle. Quand elle y était, elle en profitait au maximum. C'est pourquoi le dimanche était leur journée rituel mère/fils qui consistait à bien manger, regarder des films et jouer à des jeux de société toute la journée. Depuis toujours c'était comme ça et ça ne changerait pas. Il s'agissait d'une promesse pour sécher les larmes d'un enfant qui n'avait plus que sa mère. Castiel était aujourd'hui conscient du but de cette promesse, cependant pour rien au monde il ne raterait ce rituel. 

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