Le cours commence pour le plus grand plaisir d'Eve. Faire du sport est son exutoire, et lui permet d'oublier un instant ses préoccupations. Un pas et un autre pas, monter et descendre. Il faut qu'elle fasse ainsi pas à pas, éclore et enfin devenir la femme qu'elle est vraiment.
La musique, la chorégraphie transforme la jeune femme frêle et timide. Elle redouble de confiance en elle lorsqu'elle exécute cette danse, mais tout cela n'est qu'éphémère. Dès qu'elle revêt ses habits de ville, tel un fantôme elle entre dans son personnage et elle recommence à jouer son rôle.La soirée a déjà commencé lorsque Ève sort de son cours : elle décide de faire une balade sur les remparts de la vieille ville avant de rentrer.
L'air est tiède et réconfortant. Elle s'avance doucement au flanc des rocher où la mer se fracasse en écumes blanches et mousseuses. Immobile elle regarde le mouvement éternel des flots et ferme le yeux au risque de perdre l'équilibre. C'est un jeu qu'elle aime, pourquoi vivre si ce n'est qu'une illusion ?Son corps tangue et frissonne mais Ève n'a pas peur, elle est si mal dans cette vie, et puis à qui manquerait elle ?
Elle vacille quand deux bras viennent l'entourer, et la tire en arrière. Ève surprise se retourne et aperçoit une femme. Un silence plane jusqu'à ce que Ève sorte de sa torpeur et exulte :
- Mais ça ne va pas de sauter sur les gens comme ça, vous m'avez fait peur.La femme étonnée retire ses bras qui enserrent encore Ève et dit :
- C'est vous qui m'avez fait peur .. Vous étiez à deux doigts de tomber.
- Tomber, mais non pas du tout ?
- Si, on m'y reprendra d'aider les gens .. Allez retournez y, foutez vous en l'air. Reprend la femme en s'en allant.Ève toujours abasourdie et en colère, court après la femme en hurlant :
- Non attendez, je n'ai pas terminé.
Elle arrive enfin à son niveau et tout en marchant prestement près d'elle, elle continue :
- Vous n'avez quand même pas pensez que j'allais ..heu que j'allais ..Elle ne peut pas continuer sa phrase. Y avait elle pensé ? Oui quelque fois mais de là à passer à l'acte. La femme se tourne vers Ève :
- quoi ? Que vous alliez vous suicider, ben si ! Vous en aviez tout l'air en tout cas ..
La conversation aurait pu s'interrompre à cet instant, laissez s'en aller l'intruse et partir de son côté. Mais Ève ne pouvait s'y résoudre.
pourquoi ? Avait-elle l'air aussi mal que ça ?
- Lâchez moi, écoutez faites ce que vous voulez ... Retournez au bord de la falaise mais ça peut faire mal je vous préviens.
Sarcastique elle est sarcastique, il faut que Eve lui prouve le contraire .. Non elle n'était pas suicidaire. Mais pourquoi cela a t- il une telle quelconque importance ?
Ève ne connaissait pas cette femme et ne la reverrai probablement jamais. Elle l'accroche pour l'empêcher de partir :
- Eh bien ! Vous avez tord .. Comme si dire cette phrase pouvait tout changer.
- Tant mieux .. Allez bonsoir !
- Oui, et excusez moi de ma réaction .. J'étais sous l'effet de la surprise.
Elle avait acquiescé, muette, étonnée par la déclaration d' Ève qui reconnaissait enfin l'absurde de la situation.
- Ok, bon j'y vais ..bonsoir. Dit la femme.De retour sur les remparts, la lumière du lampadaire planté là, illumine le visage de l'étrangère .. Elle sourit :
- Vu que vous ne me lâchez pas .. on va boire un verre, Je mérite bien ça ?
Apres une légère hésitation, Ève accepte et un quart d'heure plus tard elles discutent dans un petit cafe, le premier qu'elles ont trouvé sur leur route.
Elle s'appelait Anna Bayer. Elle avait 27 ans, et avait monter sa petite boîte en communication, suite à un licenciement abusif. Elle avait touché une belle somme au prud'homme. Alors elle avait alors décidé qu'il valait mieux travailler pour soi que pour les autres.
Ève regarde Anna battre les paupières. Elle est fascinée par tant d'assurance même si cela fait longtemps qu'elle ne croit plus au destin, elle se laisse quand même envoûter par ses long cils, sa peau mate et ses cheveux lisses qui retombent en bataille de chaque côté de son visage.Anna coupe le moment magique :
- je dois y aller, avait-elle dit désignant l'horloge murale du bistrot.
Ève n'avait pas vu l'heure passée en compagnie d'Anna. Malgré tout Anna a insisté pour raccompagner Ève jusqu'à chez elle et lui propose de partager le même taxi. Ève accepte trop heureuse de partager encore quelques minutes avec Anna.
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