chapitre 61

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Ainsi, aprés ce jour, passérent successivement quatre années.
Quatre longues années où je fus mise à l'abri du soleil et de tout contact extérieur.

Quatre longues années où je n'eus point l'opportunité de regarder un visage un tant soit peu plaisant.

Le seul visage que je voyais quotidiennement était celui de mon bourreau.

Daour...

Depuis le jour où on avait quitté le village, on est retourné vivre à Dakar, dans notre ancienne maison.
Sauf que cette fois-ci, je n'allais pas à l'école, je n'allais nulle part, donc je ne pouvais voir personne.

J'apercevais le monde du dehors à travers ma fenêtre sans pouvoir y vivre.

Je passais mes journées à écrire sur mon carnet tout ce que je vivais.

Puis chaque nuit, je me faisais violer.
Sans relâche.
Tous les jours.

Je pleurais de jour et de nuit.
Je ne mangeais pratiquement plus.
Je déperissais.
Je ne ressemblais plus à rien.
Je n'avais plus de vie en moi.

Au bout de deux ans d'enfermement, de galére et d'abus, je perdis ma voix.
La peur permanente était devenue une dépression.
Puis cette dépression une folie.
Je riais quand je devais pleurer et pleurais quand je devais rire.

Je n'étais plus moi même.
J'en avais marre de supplier chaque nuit en vain.
J'en avais marre de pleurer sans résultats.
Je n'avais personne à qui parler mis à part daour et je n'avais aucune envie de lui parler.
Alors mes gémissements et mes cris de douleur devinrent des bruits de gorge qui ne franchirent plus jamais mes lévres.
Ainsi je ne parlais plus.

Je m'habituais à ce que daour vienne chaque nuit abuser de moi comme si j'étais sa femme.
En plus, il avait commencé à dormir avec moi et à se réveiller chaque jour à mes côtés.
Je ne résistais plus. En fait c'était comme si il n'était pas là.
Je n'arrivais même plus à le détester.
Je n'avais aucun sentiment, ni positif ni négatif.
Je ne sentais rien.
Je ne bougais pas.
Je ne le regardais pas.
Mon regard était devenu neutre. Toujours dans le vide.
Sans émotions.
Je ne ressentais plus rien.
Ni colére ni peine ni tristesse ni joie.
Tout ceci avait fini par m'éteindre.

Je crois que je ne suis plus une personne.

Daour  savait que j'avais perdu la parole mais ça ne le dérangeait pas, au contraire, ça l'arrangeait de ne plus entendre mes suppliques.
Le stylo avec lequel j'écris sur mon carnet de secrets est devenu ma seule voix.
Aucun jour ne passe sans que je n'écrive ce que je vis.

Ainsi passérent deux autres années jusqu'à ce jour.

Quatre années...
Quatre années sans fouler le sable fin.
Sentir ses grains sous ma peau.
Se vivifier avec la chaleur du soleil.
Respirer la liberté.
Rien.

Tout me laissait indifférent jusqu'à ce que je tombe sur cette photo.

La photo de maman.
Je ne l'avais plus revu depuis quatre ans.

Ce matin, en me levant, j'ai laissé daour sur le lit, ai mis un peignoir et me suis assise sur le rebord de la fenêtre.

Je ne sus comment mais la photo de maman était posée sur la table de chevet.
Je m'en saisis et la regardais longuement.
Comme elle était belle.
Pourquoi m'as tu laissé seule maman?
Ma solitude face à ce que je dois supporter me revînt telle une gifle.

Ce fut comme un déclic.
Cela ramena la haine que j'avais pour cet homme couché sur mon lit.
Cela me fit prendre conscience du dégoût qui m'emplit.

Je me rendis réellement compte que je n'étais plus une personne.

J'avais perdu ma voix, ma beauté.

Je me levais et me plaçais devant mon miroir.
Je me caressais lentement le cou, les épaules puis le ventre.
Mon visage était vide et terne.
Je ne vis plus la petite fille joviale que j'étais.
Je vis une jeune fille de seize complétement dévastée et détruite.

Je me retournais et le regardais couché sur mon lit dormant aisément, le plus simplement du monde, comme s'il n'avait rien à se reprocher.
Est ce que ce genre de personne ont leur place dans notre société?
Devrais-je laisser cette chose vivre.

Je fus tentée de défier les esprits.

Vous qui avez décidé que toute la descendance de mariane faye souffrirait, vous qui avez décidé de mes malheurs, je veux vous montrer que vous n'êtes pas Dieu.
Je vous défie de m'empêcher de faire ce que je suis sur le point de faire.
Je vous défie de m'empêcher de faire justice.

Cela ne devait pas se passer ainsi.

Je descendis lentement dans la cuisine, me saisis d'un couteau long d'à peu prés soixante-dix centimètres et retournais dans la chambre.

Sans hésiter, je m'approchais de sa personne endormie et lui enfonçais le couteau dans le nombril.
Il ouvrit brusquement les yeux et gémit de douleur.
Mes yeux affrontent les siens agonisant.
Il me fixe toujours puis tourne la tête sur le côté.
Il était mort mais ce n'était pas suffisant.

Je continuais à enfoncer le couteau dans sa chair.
Chaque coup avait une signification particulière pour moi.
Encore et encore.
Ainsi douze coups de couteau trouvérent leur place dans son buste, son ventre...

Le pire c'est que je n'avais aucun regret.
Je me sentais bien.
Pleinement bien.

Je lâchais le couteau, essuyais mes mains puis me saisis de mon carnet et de mon stylo le plus naturellement du monde.

Je n'étais vraiment plus une personne.

Il y a quatre ans en arrière, jamais je n'aurais osé ni même pensé à faire ce que je venais de faire.
Je ne l'aurais jamais envisagé mais là, mariane à grandi, mes souffrances ont fini par avoir raison de Moi.
Moi mariane j'avais tué daour gueye camara.

J'avais tué mon pére et ça ne me dérangeait pas outre mesure.

Je partis dans sa chambre chercher les clés de la maison et les trouvais sous ses vêtements.

Enfin j'allais pouvoir sortir.
Ce n'était plus pour vivre car ma vie à moi est déja fichue mais c'était pour regarder une derniére fois ce qui ne m'avait pas été donné de savourer.

Je sortais avec mes vêtements tâchés de sang et mon carnet à la main sans refermer la porte derrière moi.

Je m'en fichais que les gens me voient ainsi.

Tout ce que je voulais c'était aller à la mer.

Je marchais pieds nus, dans mon peignoir et soutenais les regards qui se posaient sur moi.

Je souriais en sentant le soleil.
Le sable.
Le rire des gens.
L'animation du monde.
Je revoyais des visages.
Qu'ils soient hostiles, interrogatifs ou plaisants ne m'importait pas.
Je n'avais besoin que de ça.
Juste de ça.
Les voir.
Les voir.

Oh la mer!
Énorme étendue.
Elle était là, en face de moi.
Avec ses rochers.

Sombre Réalité (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant