Chapitre 13

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L'aube ne s'était pas encore annoncée quand Lucien arriva sur les lieux du duel. Il aurait préféré mille fois profiter de cette nuit pour se reposer, à présent qu'il était libéré des tourments que lui avaient infligés la reine et Gabrielle, mais il n'avait guère eu le choix. Il avait revêtu les mêmes atours que lorsqu'il avait attaqué le comte de Maurébant, une éternité plus tôt. En revanche, il n'avait pas prévu de témoin, ne connaissant personne de confiance pour tenir ce rôle pourtant important.

La clairière s'ouvrit bientôt devant lui. Il avait eu peur pendant un moment de s'être trompé de chemin, retrouver cet endroit s'avérant bien moins simple de nuit que de jour, mais lorsqu'il aperçut deux autres chevaux et leurs cavaliers, il fut rassuré.

L'un des hommes portait une lampe à huile, qui éclairait faiblement les lieux. Il faudrait résolument patienter jusqu'à ce que le soleil se levât pour s'affronter.

— Bonjour, lança un individu que Lucien ne connaissait pas. Que faites-vous là ?

— Le chevalier de Saint-George m'attend, répondit-il.

— Où est votre témoin ?

— Dieu sera mon témoin.

À cela, l'homme se retourna vers Saint-George, qui s'était avancé. Lucien descendit de monture. Ses cuissardes s'enfoncèrent dans la mousse et les herbes. Le sol était légèrement spongieux.

— Merci d'être venu, lieutenant, lui dit le bretteur à la peau chocolat.

— C'est toujours un plaisir de croiser le fer.

— N'est-ce pas ? Je suis en revanche bien embêté par l'absence de témoin. Vous ne vouliez prévenir personne ?

— Je suis Garde-du-corps du roi, Saint-George. Je risque bien plus que ma vie en acceptant votre défi, qui devait rester dans le plus grand secret.

— Je comprends. Guillaume, dit-il à l'autre homme, je vous demanderai de nous laisser s'il vous plaît.

— Monsieur ?

— Votre présence n'a plus guère d'intérêt, si mon adversaire n'a personne pour assurer l'équité de cet assaut. Nous sommes des gens d'honneur, nous ferons cela dans les règles.

— Comme il vous siéra, Monsieur.

L'homme laissa la lampe aux duellistes, puis il ramassa ses affaires et remonta en selle. Alors qu'il s'en allait, Saint-George s'exprima :

— Je suis content que vous soyez venu. Je n'étais pas tout à fait sûr que vous étiez mon adversaire, même si j'avais quelques doutes sur la question.

— Je pouvais difficilement refuser.

Le chevalier désigna un tronc d'arbre renversé et les deux hommes s'y assirent, en attendant que l'heure vînt.

— Souhaitez-vous un duel à mort ? demanda Lucien.

— Je ne suis pas certain que ce soit nécessaire. Mais, un simple premier sang me paraît un peu léger.

— Disons ainsi en trois manches. Cela sera plus compliqué sans témoin, en revanche.

— Je vous fais confiance. Trois manches, donc. Parfait. Si je venais à trépasser, je souhaiterais que l'éloge funèbre ait lieu à Paris, à l'église Saint-Eustache, si ce n'est pas trop demander. Mon valet pourra vous en informer.

— Très bien.

— Et vous-même ?

— Cela n'a guère d'importance, répondit Lucien.

Les infortunes de Lucien - (extraits du roman édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant