Isaac avala son petit déjeuner rapidement, et regarda sa montre, réflexe inutile, puisque ledit objet s'était brisé quelques jours auparavant, au cours d'un règlement de comptes, dont le jeune homme avait été la principale victime.
Il attrapa un blouson au hasard, et sortit vite dans la rue. Il était prêt. Aujourd'hui il allait enfin essayer de trouver un travail et le garder plus de deux jours sans se faire virer injustement.
Le jeune homme appréciait de déambuler dans ce dédale de multiples rues que formait la ville, tôt le matin, il avait ainsi l'impression d'être seul et plus libre sans personne pour le juger.
C'était l'hiver, il marchait d'un pas vif pour se réchauffer, en respirant doucement à pleins poumons l'air frais matinal, quand soudain, son regard fut attiré par une enseigne à laquelle il n'avait encore jamais prêté attention. Les lettres étaient joliment incurvées et on pouvait lire en blanc sur un fond noir « Atypique Boutique ».
Isaac trouva le nom attirant. « Atypique », c'est ce qu'il était, c'était le mot qu'employait les gens parfois, pour le qualifier. Il s'approcha donc doucement, vers la vitrine du magasin. Divers objets assez anciens ou même récents étaient exposés. Son regard se baladait sur les étagères, nombreux stylos plumes, bijoux, portefeuilles et montres captivaient le jeune homme...
Des montres! Car oui, il en avait bien besoin d'une. Il détestait devoir dépendre des autres, même si c'était pour leur demander l'heure. Il ne réfléchit pas une seconde et entra dans la boutique, faisant sonner le carillon de la porte d'entrée. Le magasin avait l'air chaleureux avec ses poutres en bois et sa décoration hivernale, il y faisait chaud, et en plus il était vide! Tant mieux, il ne supportait pas le monde et tous ces gens bruyants, qui ne savaient pas parler doucement et qui le dévisageait quand arrivait le moment fatidique de payer.
Il erra dans le magasin, qui n'était pourtant pas bien grand, pendant cinq bonnes minutes avant de tomber sur ce qu'il cherchait. Saisissant délicatement les montres de leur petite boîte, il les essaya une à une. Elles étaient toutes trop grandes, trop larges, trop serrées, trop travaillées ou bien trop lourdes. « Trop ». Ça aussi c'était un mot qu'il connaissait. Beaucoup de gens trouvaient qu'il était de trop dans ce monde.
Il chassa ses idées noires et tomba enfin sur une montre qui lui plaisait. Il ne restait plus qu'à l'essayer... Il la passa à son poignet et régla la taille. Elle étincelait, on aurait même pu penser que la montre le voulait. Elle lui allait parfaitement, elle était faite pour lui. Il la remit dans sa petite boîte et se dirigea vers la caisse. Il régla, le cœur léger, et sortit de la boutique, son nouvel objet au poignet.
Une fois dehors, le jeune homme, heureux de son acquisition, reprit sa marche. Ce nouvel achat l'avait motivé, il était bien décidé à trouver du travail.
Il réajusta sa tenue, et arr angea sa coiffure à l'aide du reflet que la vitrine du magasin renvoyait : des cheveux bruns, une taille respectable. Un physique plutôt banal qui illustrait assez bien sa vie morne et pleine de soucis.
Depuis tout petit, Isaac accumulait les erreurs et les ennuis. Il était toujours celui que l'on punissait, dernier en tout, sauf quand il s'agissait de rater quelque chose, là, le jeune homme était premier, d'ailleurs, son parcours professionnel en était une preuve de plus.
Il y a quelques semaines, il avait encore un travail, il ne servait pas à grand chose mais au moins il était payé. Son patron et ses collègues ne se préocupaient pas vraiment de lui, à vrai dire, ils ne le remarquaient même pas. Il avait eu l'impression d'être un objet, doté d'une conscience. Puis, jugeant qu'il perdait de l'argent avec un employé inutile, son supérieur l'avait viré. Il ne lui avait pas vraiment présenté le fait comme ça, mais pour le garçon, c'était clair.