Chapitre 3

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Camille ouvrit les yeux sur les chiffres du réveil projetés au plafond. Quand s'était-elle endormie ? Elle ne s'en souvenait même plus. Il était 10 heures 30. Quel jour était-on ? Samedi, probablement. Son alarme l'aurait réveillée plus tôt dans le cas contraire. Sinon... Tant pis. Elle pourrait profiter d'une journée de calme.

Elle se leva et et s'habilla rapidement. Elle n'avait aucune envie de rester enfermée sous les reproches constants de ses proches. Sortant de se chambre, elle alla enfiler ses converses, éternellement la même paire de petites chaussures rouges, la rare touche de couleur de sa garde-robe. Ne manquait que son blouson, et elle était prête à sortir.

Ces instants de liberté totale lui permettaient de se défouler, d'exprimer toute sa colère, sa frustration aussi. Marchant, courant, hurlant dans la campagne triste et silencieuse, elle s'épuisait. Au bout d'un temps, les points noirs valsaient joyeusement devant ses yeux, et le sol vint à sa rencontre. Elle n'était plus qu'une masse trop lourde pour pouvoir bouger.

Les larmes coulèrent, inondant petit à petit ses joues sans qu'elle ne puisse les retenir. Son corps maigre secoué de spasmes, elle se laissa entière aux pleurs qui forçaient sa poitrine. La jeune fille resta ainsi, gisant misérablement au sol, pendant un temps qu'elle ne put mesurer, n'ayant plus aucun repère depuis sa chute. Elle se sentait si faible, abandonnée.

Seule, elle se recroquevilla sur le petit chemin de terre rarement employé. Elle se laissa aller contre un arbre proche, incapable de se relever, de se reprendre. Elle avait la sensation de ne plus être présente, de regarder son corps de mouvoir, d'écouter des mots sortir de sa bouche, d'entendre ses pensées, comme si elle n'était que spectatrice de sa vie, incapable d'agir. 

Lorsque la lumière du jour commença à décliner petit à petit, elle se redressa enfin et se releva, secouant doucement sa tête pour reprendre ses esprits. Camille avança de quelques pas hésitants, titubant sur le chemin de terre, trébuchant sur les cailloux sortants du sol. Ses jambes cotonneuses ne la soutenaient qu'à peine.

Elle mit plus d'une demie heure à rentrer chez elle, sans que personne ne remarque son absence. Sa mère, très prise par son travail, avait dormit une grande partie de la journée tandis que son père n'avait pas réapparu depuis sa dernière soirée de boulot, l'avant veille. Elle avait cette impression peut-être stupide, mais bien présente, de n'exister que pour les tâches ménagères et les reproches.

L'adolescente monta dans sa chambre sans un mot. Elle attrapa des habits propres et laissa l'eau chaude de la douche lui vider quelques instants l'esprit en nettoyant la crasse, le sang, les blessures et coupures. Elle leva son visage vers le pommeau et de nouvelles larmes se joignirent aux ruisseaux d'eau chaude qui la réchauffaient. Malgré son physique squelettique, elle se tenait encore là, toujours vivante sous les insultes et la douleur, tremblante certes, mais sans abandonner. Par quelle force ? Elle n'en avait aucune idée, une force qui commençait cependant à faiblir.

Les bleus commençaient à disparaître, les hématomes se faisant moins douloureux au fil des jours.  Elle n'aurait bientôt plus besoin de se cacher derrière ses cheveux. Mais les mots ont plus de force que les coups.

"Tu ne mérites pas de vivre ! Rien qu'en étant là tu me dégoûtes, sale monstre égoïste. Crève donc une bonne fois pour toutes, ça serait mieux pour tout le monde !"

Elle éteignit l'eau et se sécha, la gorge serrée, ces mots rageurs gravés dans son esprit.

Crève ! Crève ! Crève !

Elle serra les poings et laissa tomber la serviette au sol. Puisqu'il en était ainsi, puisque sa mort arrangerait les choses, elle devait quitter ce monde. Et au plus vite, sa décision était prise. Elle avait beau lutter, tous ses efforts étaient vains alors à quoi bon se tenir debout ? À quoi bon lutter alors qu'on ne pouvait plus rien sauver ? Elle était dans tous les cas condamnée. Mais elle ne les laisserait pas la tuer, non, elle mettrait elle même fin à ses jours.

Cette fois, le moment de la grande délivrance était arrivé.

Broken.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant