Chapitre 4.

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Camille passa la journée tranquillement, l'esprit entièrement occupé aux événements du soir. Une fois tout le monde endormi, elle s'habilla automatiquement, semblant avoir à peine conscience de ses gestes. Une fois prête elle passa sa main sous les lattes du matelas et sortit le cutter, un sourire dément flottant sur ses lèvres. Elle avait l'impression de flotter au dessus d'elle-même, comme si tout était déjà terminé. Elle se sentait étrangement calme, soulagée. Un sentiment mêlant vide vertigineux et joie sourde complètement indescriptible.

Elle descendit silencieusement les escaliers et enfila une nouvelle fois ses chaussures. Elle ne s'attarda pas assez pour prendre une veste et partit en direction de la vieille gare, où elle était sûre de ne trouver personne. Ce lieu presque secret était son repère, sa cachette. Elle aimait y aller pour s'isoler, fuir loin de son quotidien. Comme tout lieu abandonné des Hommes, cette vieille gare se mourrait tranquillement, la nature reprenant pas à pas ses droits. C'était vraiment rare d'y croiser quelqu'un. Qui irait s'aventurer au milieu des ronces, bouts de ferraille hétéroclites et autre ? 

En effet, elle ne rencontra pas âme qui vive dans le sinistre bâtiment désolé. Sa connaissance du terrain lui permit de ne pas se perdre dans la nuit noire et profonde dont se distinguait à peine le chemin de fer, semblant encore plus lugubre à cause des ténèbres l'enveloppant. Elle venait généralement quand il faisait jour, la vue lui semblait irréelle, mais ses pieds connaissaient le chemin. Il suffisait de se fier à son instinct.

Elle n'hésita pas une seconde et commença à marcher, longtemps, jusqu'à arriver là où personne n'entendrait son dernier cri, où personne ne viendrait la secourir, où personne ne la retrouverait jamais : le vieux pont. Cet édifice passant au dessus d'une petite rivière tranquille était formellement interdit d'accès, car responsable de quelques malheureux accidents, sans réelle gravité cependant. Serait-elle la première à mourir là ? C'était dommage pour ce pauvre pont. Tant pis.

La jeune fille s'assit tranquillement sur la rambarde rouillée et branlante et contempla l'horizon, encore dépourvue de lumière, au loin. Elle remonta la manche de son pull et frissonna dans la fraîcheur de cette sombre nuit. Elle sortit l'arme de sa poche et tira la lame d'un geste agile du pouce. L'aisance que procurait l'habitude était vraiment impressionnante.

L'éclat du fer luisit l'instant d'un rayon de lune argenté. C'était vraiment une nuit magique pour s'en aller. Elle y trouvait presque un certain réconfort. C'était bien mieux que de finir meurtrie de coups sur le macadam. Portant le cutter a son poignet, l'adolescente ferma les yeux, prononçant d'un petit murmure ce qu'elle avait choisi comme dernières paroles.

- Adieu. Adieu maman et papa. Adieu vous qui me frappez tous les jours. Adieu vie de merde.

Elle s'apprêta à trancher ses veines une bonne fois pour toutes. Mais une main attrapa la sienne et la tira en arrière, la faisant basculer de son perchoir. Elle ne percuta cependant pas le sol comme elle s'y attendait, tombant droit dans les bras de la personne l'ayant stoppée. Ouvrant des yeux écarquillés de peur, Camille poussa un cri immédiatement coupé par une seconde main s'abattant rapidement mais sans douleur, sur sa bouche.

L'adolescente n'osait plus bouger, tremblante. Elle ne voyait que le cutter, lâché au cours de sa chute, abandonné sur les railles. Il lui semblait bien moins amical soudainement. Elle ne savait plus quoi faire, que dire. Que venait-il de se passer ? Qui était là, la tenant fermement contre son buste ? Pourquoi ? Comment ? Les questions se bousculaient, se mêlaient. La main glissa doucement, libérant enfin sa bouche. Mais avant qu'elle ne puisse réellement souffler, un long frisson la traversa. Son sauveur venait de lui murmurer, tout en douceur, à l'oreille :

- Je ne te laisserais pas te suicider devant moi sans rien dire.

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