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Deux points sont à prendre en compte lorsqu'on arrive dans une nouvelle ville. Le premier, et pas des moindres, l'accueil. Quand tu es consultant du patrimoine et que tu viens pour assurer que les merveilles du pays vont être rénovées, on t'accueille comme le Messie. Tu peux passer de maison en maison, être invité à tous les repas possibles et inimaginables de la journée – le petit-déjeuner chez Robert, le déjeuner chez Madame Auchbrith et le dîner avec les Guard. Ce qui amène au second point : la nourriture. Et ceci reste pour ma part l'une des meilleures raisons de se sentir chez soi dans un endroit où tu y restes que pour quelques semaines.

Lorsqu'on m'envoyait dans les villes et villages qui avaient besoin de consultant pour savoir si leurs lieux historiques avaient besoin d'être restaurés avant la saison touristique, je prenais en compte ces deux points. Elles étaient notées en haut de mes carnets pour ma prise de notes si bien que quiconque en ma présence pendant le tour de mes gardes pouvait les lire. Je pouvais passer pour un simpliste – surtout pour un gars qui marque en haut de ses carnets.

1. Bouffe

2. Accueil

Lorsque je reçus la mission pour Bogny-Sur-Meuse, les habitants furent comme surpris de voir un jeune homme se pointait, non pas avec un beau costume et une chemise où pouvait débordé des papiers, mais dans des habits ordinaires. J'avais senti leur inquiétude quand je fus présenté au maire, leur incompréhension quand ils vinrent à m'amener sur les différents lieux de la commune sur lesquels je devais me pencher.

Au fil des nombreuses missions, je m'y étais habitué. Parfois, certains villages m'accueillaient plus aisément que d'autres sans forcément faire attention à ma jeune apparence. Peut-être que pour certains, il était plus rassurant de voir arrivé un homme d'une cinquantaine d'année. En quoi l'âge pouvait-il faire la différence ? J'aimais tout autant le patrimoine que mon grand-père – c'était une passion.

Néanmoins, le jour suivant mon arrivée, les personnes que j'avais fréquentées jusqu'alors se montrèrent plus clémentes comme si cela pouvait faire une différence sur ma décision à sauver leurs monuments.

Ainsi, je fus accompagné jusqu'aux ruines de la forteresse médiévale de Château-Regnault. L'espace était bien entretenu – j'avais constaté que les gens du coin appréciaient ce lieu. Les raisons ne m'étaient pas inconnues. Tout ce qui appartenait à l'histoire était à conserver. C'était une trace là, laissée par nos ancêtres et tout le monde y tenait.

Et je le vis pour la première là alors que j'observais la vue sur Bogny, à l'endroit où se trouvait autrefois le château et qui, à présent, n'était qu'une esplanade d'où on pouvait voir les différents escaliers de pierres et l'étendue verte à la lisière de la célèbre forêt. Il se trouvait là, me regardant de loin, avec une expression ferme, le regard accusateur. « Qui est-ce, demandai-je auprès du Maire qui m'accompagnait alors. » Il avait suivi mon regard et à la vue du jeune garçon, il poussa un soupir de mécontentement se tournant vers sa secrétaire dont les talons rentraient dans la terre à chacun de ses pas. « Je vous avais dit de vous occuper de ce problème, qu'est-ce qu'il fait ici encore ? » Sa voix n'avait été que colère si bien que la femme s'était mise à bégayer des excuses. J'avais donc reposé la question et le Maire s'était tourner vers moi, l'air navré. « N'y faites pas attention, Monsieur Laguionie. Ce n'est qu'un gavroche du village.

- Un gavroche ?

- Un orphelin du village, il passe son temps à vadrouiller sur le domaine et bien que nous l'ayons rappelé à l'ordre une multitude de fois, il semble ne pas vouloir écouter. Vous comprenez...regardez-le, il fait peur aux touristes vous savez, mais...ce soucis sera bientôt régler. » Je n'avais guère apprécié le ton qu'il avait pris, ni même le terme. Le garçon que j'avais vu ce jour-là semblait perdu, mais aussi effrayé peut-être même épuisé. Et pourtant, malgré tout, j'avais senti son regard durant tout le temps qu'il m'avait fallu à faire le tour du domaine. Parfois, il se présentait debout, non loin de la forêt puis, sur les remparts en ruine, assis en tailleur, toujours loin comme s'il lui était impossible de nous approcher.

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