Broken.

Chapitre 5.

- Que ...?

Camille était perdue. C'était donc un inconnu, mais elle ne parvenait pas à mettre un nom sur la voix rauque, légèrement voilée par l'inquiétude. Elle pouvait à présent deviner à la respiration légèrement saccadée de son sauveur qu'il avait dû se précipiter vers elle, ou du moins avoir une belle frayeur. Que faire de cette informations ? Tout continuait de se bousculer dans son esprit, sans qu'elle ne parviennent à complètement se calmer, quand bien même ses tremblements s'étaient calmés. La voix revint interrompre ses pensées chaotiques. Lui semblait s'être déjà repris.

- Si tu ne crie plus et que tu ne touche pas à ce cutter je te lâche, compris ?

Elle acquiesça et il tint parole. Ils se regardaient maintenant, face à face, bien qu'elle ne puisse distinguer son visage dans la pénombre. Mais la silhouette qui se découpait dans l'ombre lui permit de confirmer l'hypothèse que son sauveur devait avoir son âge.  Il semblait mesurer aux alentours du mètre 75, soit facilement une bonne tête de plus qu'elle. Pas étonnant qu'il ait pu la maîtriser si facilement ! Mais ce n'était pas vraiment pour la rassurer. Méfiante, elle se redressa légèrement pour balbutier.

- Q-Qui es tu ?                                                                                             

- Merci aurait suffit !                                                                                     

Répondit-il en riant.

Elle soupira et baissa la tête, légèrement honteuse. Elle n'avait pas pensé un seul instant à le remercier, il venait de gâcher ses plans ! Avait-elle demandé à ce qu'on lui vienne en aide ? Absolument pas. Alors qu'elle rassemblait son peu de courage pour rétorquer, il la devança.

- Allez, ne t'en fait pas la miss. C'est un plaisir d'aider les ados suicidaires en détresse !

Le rire clair de l'inconnu résonna quelques instants, avant qu'elle ne puisse distinguer sa main s'approchant d'elle. Surprise, elle recula d'un coup et plaça ses mains entre lui et elle, un reflex de survie acquis après les nombreux coups qu'elle avait encaissé. Lui, resta la main en suspens sans comprendre la réaction de la jeune fille face à se geste si bête, anodin. Il avait uniquement voulu la décoiffer, rien de plus. D'un ton calme, il lança simplement.

- Théo.

Elle replaça doucement ses bras le long de son corps et le fixa sans comprendre. Pourquoi parlait-il d'un Théo maintenant ? Elle avait du mal à s'y retrouver.  Le garçon se rapprocha doucement d'elle et, encore plus lentement, lui attrapa la main, alors qu'elle se raidissait, toute entière. Elle avait l'air d'être une petite proie en détresse, prête à fuir.

- Je m'appelle Théo, j'ai 16 ans et tu n'as pas à avoir peur de moi, je ne te ferais rien. Je veux seulement t'aider, d'accord ? Si j'avais voulu te faire du mal, je ne t'aurai pas empêché de te couper les veines.

Elle le regardait toujours, un air ahuris sur le visage. L'aider ? Elle ? Mais.... Pourquoi ? Ils ne se connaissaient même pas ! Mais malgré tout, ce qu'il disait était logique. Il avait eu plus d'une occasion de lui faire du mal, mais il n'avait rien fait. 

Il sourit et lui lâcha doucement la main pour mettre les siennes dans les poches de son blouson et avancer dans la direction contraire à celle dont venait la jeune fille. Cette dernière resta figée et le regarda partir jusqu'à ce qu'il eu disparut. Pourquoi n'avait-il rien dit de plus ? Seule dans l'obscurité, elle avait l'impression d'avoir rêvé cette rencontre. Cela paraissait si irréel à présent...

Mais la douce chaleur que renfermait encore sa paume témoignait de la présence passée du jeune homme qui lui était venu en aide. Ne sachant que faire, elle tourna à son tour les talons, pour rebrousser chemin. Avant de quitter complètement le pont, elle murmura à la nuit, l'ombre d'un petit sourire flottant sur ses lèvres.

- Merci... 

Elle savait que tout n'était pas terminé, mais ce ne serait pas ce soir qu'elle quitterait ce monde. Elle avait à présent quelque chose au fond d'elle qu'elle n'avait pas ressenti depuis bien longtemps, l'espoir. L'espoir de s'en sortir un jour. L'espoir d'être enfin comprise.