chapitre troisième - lumière

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Dans l'essaim nébuleux des constellations,
Ô toi qui naquis la première,
Ô nourrice des fleurs et des fruits, ô Lumière,
Blanche mère des visions.
A la lumière, Anatole France

A l'aube, le village est toujours très calme. Les rues pavées en pierres se laissent arpenter sans difficulté, bien que par temps de pluie ce soit une autre histoire. Les maisonnettes sont essentiellement faites de bois, et donnent un côté précaire et éphémère au lieu. On pourrait croire que la civilisation y est ancienne, mais la réalité offre une société plutôt développée et, pour ainsi dire, normale. Les bordures sont fleuries, et malgré une impression de chaos, tout est bien arrangé, rien semble ne pas être à sa place. D'ailleurs, pour un début janvier, il ne fait pas relativement froid. C'est dans ce cadre qu'avance le groupe de cinq amis, en route vers les abords de leur lieu de vie, bien décidés à appliquer ce qu'ils avaient convenu hier soir.
Ce sont presque les seuls dehors, à cette heure-ci. Ils ne croisent que peu de personnes, et échangent quelques bonjours à la va-vite. Ils pourraient reconnaître le visage de n'importe qui.

Ils prennent quelques virages, observent d'un regard désintéressé le paysage ; ils ne connaissent que trop bien l'endroit, ses recoins, ses caractéristiques.
Ils ne s'échangent aucune parole, ils ont tout revu en détail en se levant. Marco sait où se trouve la maison de Monsieur Hiliding ; lui-même avait été étonné de ce fait, mais il semblait que cette information soit restée dans les abysses de sa mémoire.
Leur mémoire, voilà ce qui les inquiétait. Aujourd'hui serait peut-être une occasion d'en savoir plus, d'éclairer la situation, d'en apprendre plus sur ce qu'ils sont – ou sur ce qu'ils ont.

Oprah n'a presque pas fermé l'œil de la nuit, trop occupé à se torturer l'esprit. Il a fouillé, plongé au plus profond de ses souvenirs, mais certaines pièces du puzzle manquent, indubitablement. Finalement, ils arrivent là où la rue principale forme un Y. Au bout d'une des deux branches se trouve l'endroit qui les intéresse. Ils bifurquent alors à gauche et continuent leur chemin sur quelques mètres, avant d'être confrontés à une habitation assez inhabituelle. Elle est faite en pierre, cela détonne déjà avec le reste, mais elle est, de plus, très haute. On aurait dit un manoir ; c'est approprié à la personne qui vit à l'intérieur, après tout.
Devant la barrière de fortune, personne n'avance.

— Bon, on reste planté là ou on se décide à entrer ?, finit par dire Antigone, et elle appuie sur la sonnette.

Pas de réaction, pas de lumière par les fenêtres, peut-être n'est-il pas levé, peut-être est-il trop tôt. Ils restent tous plantés là, enracinés comme de vieux chênes. Enfin, une ombre apparaît au loin. Tous s'étonnent, et plissent les yeux pour voir ce qui se profile à l'horizon. Le fruit de leur venue ici sortait tranquillement de sa maison, l'air encore à demi-éveillé, un peu perturbé par la présence de cinq jeunes adultes devant chez lui. Il était vêtu d'une simple robe de chambre et faisait route jusqu'au portail.

— Je peux vous aider, jeunes gens ?, lance-t-il en s'approchant.
— Excusez-nous de vous déranger si tôt, nous avions quelques questions, répond simplement Antigone au nom du groupe.

Monsieur Hiliding affiche une moue mi-étonnée, mi-embêtée. Il finit cependant par les inviter à entrer.

De l'intérieur, la demeure de l'ancien maire est encore plus impressionnante qu'à l'extérieur. Les meubles y sont anciens, les luminaires y sont gracieux, et les tapis y sont luxueux. Les cinq sont bouche bée, ne savant plus où diriger leur regard.
Leur hôte les conduit jusqu'à un petit salon, et les convie à prendre place sur les fauteuils.

— Café, tisane, thé ?, demande Hiliding.
— Trois cafés et deux thés, annonce par habitude Ethel, connaissant les préférences de ses amis.

au-delà de la mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant