L'Eglise

7 0 0
                                    

Je me relève, le livre sur mes genoux glisse

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

Je me relève, le livre sur mes genoux glisse. L'herbe sèche a laissé quelques traces sur ma jupe, j'essaie de les essuyer sans succès. Encore toute chancelante, je fais quelques pas et ramasse mon ouvrage. Le soleil est haut dans le ciel, il brûle mes yeux et réchauffe ma peau. Combien de temps me suis-je endormie ? Une heure, peut-être deux ? Quand je suis arrivé l'air était encore doux, et les faibles rayons du soleil mon lentement assoupie. Maintenant qu'il est bien haut, il est devenu brûlant et il m'est impossible de rester une seconde de plus ici. Il doit être midi.

Je m'avance vers la bâtisse qui se trouve en face de moi. Il s'agit d'une petite église, dépourvue de clocher. Réduite au strict minimum elle se dresse au milieu des cactus et d'autres plantes exotiques. Dans ce pays la végétation est plutôt rare, elle rase le sol tout en essayant d'échapper du mieux qu'elle le peut à la chaleur. Le sol quant à lui est la plupart du temps dépourvu d'herbe. J'emprunte le chemin de terre battue qui mène au bâtiment. Je n'ai qu'une hâte me retrouver au frais.

L'église m'enveloppe de sa fraîcheur, je laisse échapper un frisson à son contact. L'intérieur est tout aussi sobre que l'extérieur. Hormis une représentation de la bible sous forme de peinture et un crucifie, peu de chose décorent la pièce. Sur l'hôtel se trouve un malheureux bouquet, composé essentiellement de fleurs desséchées. Une dizaine de chaises et un ban se trouvent face à l'hôtel, ici la paroisse ne compte que peu de personnes. Les grands vitraux positionnés au-dessus de la porte d'entrée éclairent la pièce. Je ne suis rentrée que pour m'abriter de la chaleur, mais je fais un rapide signe de croix. Par respect. Le prêtre n'est sans doute pas loin, dans son bureau j'imagine. Il ne pointe pas son nez, je m'assieds alors quelques instants. La sensation de soif m'écorche la gorge, mais bien sûr je n'ai rien à ma disposition ici. Toujours plongée dans la torpeur de ma sieste, je reprends lentement mes esprits.

Je suis vêtue d'une robe parfaitement blanche. Enfin elle l'était avant que je m'assoupisse dans l'herbe doré. J'essaie tant bien que mal de remettre de l'ordre dans ma tenue et dans ma coiffure. Mes cheveux qui ce matin avait été habilement tirés en arrière sont maintenant tout ébouriffés. Je fais du mieux que je peux, il faut que je sois présentable avant de rentrer. Surtout après avoir raté l'heure du déjeuner. Je jette un œil sur l'exemplaire du Petit Prince que je tiens. J'aime beaucoup ce livre, mais je le connais maintenant par cœur. Je le feuillette quelques instants, avant de le fermer. Je vais devoir rentrer.

Après une dizaine de minutes, j'atteins le jardin de notre demeure. Aucun bruit n'émane de ce dernier, toute la famille doit sans doute manger. Je me fais le plus discrète possible. Le plus simple est de rentrer par la porte arrière, j'évite soigneusement de passer devant les fenêtres de la salle à manger, ni devant la terrasse. Je m'approche de mon objectif, quand tout à coup j'entends quelqu'un m'interpeller.

- Mademoiselle ? un voix fluette s'élève.

Je me retourne, juste derrière moi se trouve Maria, un baquet d'eau à la main. Elle est sans doute sortie le vider, avant de rejoindre la cuisine par la porte des domestiques. Je me mords la lèvre. Elle me regarde en prenant une moue légèrement fâchée. Ses boucles brunes entourent son visage rond bruni par le soleil, elle n'a pas du tout l'air sévère.

- Allez vous changez, ils vous attendent, le ton est pressant sans être autoritaire.

J'acquiesce d'un signe de tête et ne me fait pas presser. Si mes parents m'attendent vraiment, alors le repas n'a pas dû débuter. S'ils patientent c'est qu'ils doivent avoir une raison importante qui requiert ma présence. Ici, le repas n'est jamais décalé. Que je sois là ou non importe peu, ils ont pris l'habitude de mes escapades et finissent par manger, bien souvent, seuls.

J'atteins ma chambre, les volets y ont été fermés pour la préserver de la chaleur étouffante. Malgré tout, elle commence à s'immiscer dans la pièce. Je jette un œil au miroir, mes cheveux sont plein de brins d'herbe. Je donne un rapide coup de brosse, ça suffit à les déloger de ma chevelure châtain. Ma robe quant à elle est beaucoup trop salie, je me change à la hâte, choisissant une nouvelle robe blanche. A vrai dire, toute ma garde-robe est dans des tons blancs ou crèmes. Cette fois, c'est une pièce avec un tissus légèrement bouffant au niveau des épaules, un peu plus sophistiqué que la précédente. J'ose espérer que cet effort suffira à amadouer mes parents. Je donne un coup d'œil nerveux à ma pendule : treize heure dix. J'ai passé bien plus de temps que prévu dehors.

- Ma chère ! En me voyant franchir la porte ma mère s'exclame, sans attendre une seconde. Vous voilà bien tardive.

Sa voix est rauque, altérée par le temps et le tabac. Sur certains mots elle a gardé l'accent chantant du portugais et il lui arrive encore de rouler certains "r". Mon regard fait un tour rapide sur la pièce. Le couvert est mis, seulement pour trois personnes, mon frère est sans doute absent. La salle est pourtant fortement décorée quoique qu'il n'y ai aucune occasion spéciale. La profusion de bouquets de fleurs, des roses et des lys, contraste avec la sobriété de l'église que je viens de quitter. Je jette un œil vers ma mère, ses cheveux, coupé court, sont d'un roux cendré dont j'ai hérité. Elle porte, tout comme moi, une robe blanche légère. À sa droite se tien mon père. Raide sur sa chaise et dans son costume il semble passablement irrité, mais il s'agit là d'un trait habituel. Il repousse une de ces mèches blondes qui lui tombe sur le front puis pousse un profond soupir.

- Nous t'attendions, hâte toi un peu.

Je m'installe face à eux. Il me tend une enveloppe, que je n'avais pas aperçue auparavant, sans doute caché par les assiettes. Sur le devant un sceau, des boucles s'entremêlent dans des dessins de feuilles et en leur centre trônent deux initiales : "ML". Si l'armoirie finement dessinée ne me m'évoque rien, les lettres elles me sont familières. En effet, elles appartiennent sans aucun doutes à ma propre famille. Surprise j'adresse un regard à mes parents.

- Qu'est-ce ? Puis-je ouvrir ?

Ils acquiescent en silence. Je m'empresse d'attraper un couteau et ouvre délicatement l'enveloppe. À l'intérieur une longue lettre manuscrite, au fort parfum de rose. Je parcours rapidement les lignes à la calligraphie parfaite, toute en rondeur. Je me demande qui l'a écrite, je n'imagine pas une vielle dame écrire sans trembler. Puis je la relis. Une fois puis deux fois. Finalement je pose le papier sur la grande table, éberluée. Je réorganise rapidement mes pensées. D'après ce courrier je suis convié chez ma grand-mère paternelle, une femme que je n'ai encore jamais vue. D'après les rumeur elle serait sévère et acariâtre. Mais surtout, elle vit en France. Ce pays qui coule certe dans mon sang mais qui m'est totalement inconnu. Je frémis, partagé entre une grande excitation et la peur face a cette destination inconnue qui se dessine devant moi.

Mon père m'explique avec un calme qui me surprend l'importance de mon départ pour cette contrée pleine de mystère. Je l'ai bien déjà aperçue sur des cartes et dans des livres, mais elle m'a l'air si lointaine. Si différente de ce lieu où j'ai toujours vécu. Père insiste sur le fait qu'il est primordial que je fasse mon entrée dans le monde, que je fasse des rencontres et que bien sur je me fasse une place dans la société. Il me fait comprendre qu'il est plus que temps que je quitte cet endroit reculé, qui n'offre pour moi aucuns avenirs. L'idée de partir pour le continent ne m'enchante guère mais il a été décidé que ce serait mon nouveaux pays. J'acquiesce, aucun autre choix ne s'offre à moi.

En remontant vers ma chambre à la fin du repas je jette un regard vers l'extérieur. Ma chère terre. J'aime tant ton air chaud et sec. Ta végétation hirsute et rêche. Tes plantes exotiques, colorées, piquantes, brillantes et parfumées. Dans un dernier regard vers la terrasse je te fait la promesse, que je reviendrais.

Mon cher Angola.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Jan 29, 2018 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Mémoires d'enfantsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant