Chapitre 5 : Le choix (Partie 2)

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Iliès se retourna dans sa direction, et se retrouva nez à nez avec une mendiante, qui ne devait pas avoir plus de vingt ans. Elle avait de longs cheveux noirs, de la même couleur que ses yeux, et son visage était à moitié moins noir que le sien. Mais pour elle, c'était facile à comprendre : ce n'était que de la saleté. Iliès se contenta de la regarder sans répondre. Après tout, qu'allait-elle bien pouvoir lui raconter ? Il était déjà assez dur pour elle d'être en vie, en sachant qu'elle était devenue la meurtrière de sa propre famille, malgré tout ce qu'ils lui avaient fait subir. La jeune mendiante répondit à sa place :

— Moi, je ne sais pas où tu avais l'intention d'aller, mais je sais où tu dois te rendre, assura-t-elle.

Étrangement, la mendiante ne semblait pas du tout fatiguée, comme si elle avait toujours dormi autant qu'elle voulait. D'ailleurs, elle ne semblait en aucune façon touchée par la famine qu'elle avait aperçue chez Etirev lorsqu'elle l'avait rencontré. Ce n'était peut-être qu'une impression. Après tout, il faisait nuit, et on ne voyait jamais très bien dans le noir. Dans tous les cas, elle savait quelque chose. Iliès demanda donc, avec sa petite voix encore abîmée par les épreuves qu'elle venait de subir :

— Où ça ?

La jeune mendiante sourit, tout en regardant la lumière du feu de la maison qui brûlait, éclairant Aqualis au-dessus d'elles, puis repositionna son attention sur Iliès.

— Tu es la nouvelle recrue. Et malheureusement pour toi, tu es en retard. Le roi n'aime pas que l'on soit en retard. Ton destin t'attend dans la forêt, petite fille. Il est temps que tu fasses un choix.

La mendiante, en voyant qu'Iliès n'était toujours pas partie, lui adressa un regard insistant.

— À ta place, je ne gâcherais pas une seule seconde.

Sans savoir pourquoi, Iliès se remit à courir, son instinct le lui dictant, mais cette fois-ci, elle partait en direction de la forêt. Elle avait raison. Il fallait qu'elle parte. Il n'y avait plus rien pour elle ici. Iliès n'avait même pas pris le temps de réfléchir aux paroles que le mendiante avait prononcées. Si quelqu'un à l'instant même lui avait également montré une autre direction, sans doute l'aurait-elle aussi suivie sans hésitation. Plus rien ne comptait à présent, pas même sa propre vie.

Il ne lui restait donc plus qu'un seul chemin à prendre. Personne n'était jamais revenu des profondeurs de la forêt. La route était longue jusqu'à celle-ci, mais à aucun moment elle ne faillit. Le souvenir des flammes était si fort qu'elle parvenait à oublier la douleur de son nez cassé. En un peu plus d'une heure, elle arriva à la lisière, guidée tout le long par la lumière de la lune, ainsi que par l'un des sentiments les plus destructeurs qui soit : la culpabilité.

Iliès entra dans les bois, décidée d'en finir une fois pour toutes et de quitter cette ville à jamais. Elle courut, sans s'arrêter, mais aucun des chemins qu'elle prenait ne menait quelque part : il faisait trop sombre, et tous les arbres se ressemblaient.

Elle se laissa tomber sur le sol, le nez dégoulinant de sang, de la suie recouvrant tout son corps. Elle pensa soudain, en regardant devant elle, loin de la ville, de la maison, des personnes qui l'avaient vue naître : « Je suis libre, mais est-ce vraiment mieux ? »

Soudain, une petite fille un peu plus jeune qu'elle fit son apparition, une forte lumière émanant d'elle. Au premier regard elle paraissait tout à fait normale, mais elle l'était moins lorsqu'Iliès aperçut l'énorme tâche de sang sur sa petite robe, là où se trouvait son cœur. Elle ne put s'empêcher de pousser un cri de frayeur. Puis, elle se souvint de cette vieille légende qu'on lui avait racontée, remontant à la création de la cité de Lasiar. Se pût-il vraiment que ce fut elle ?

ALTHÆA - T.1 - La Mère des CendresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant