AUGUST

106 18 10
                                    

          La frontière entre ce qui est réel et ce qui ne l'est pas parait bien mince à ceux dont les sentiments font défaillances. Comment différencier le monde véritable de ses propres rêves alors que le vide résonne dans son être, assourdissant et incolore, anesthésiant comme le givre étouffe le dernier souffle de vie ?

August erre, l'ondée se déverse sur ses épaules et l'accable d'un fardeau infini, bien trop colossal pour sa frêle ossature. Sept jours se sont écoulés depuis que Laure est partie, six nuits pendant lesquelles l'antique et solitaire banc près du ruisseau lui fait office de lit, quatre jours et trois nuits qu'il partage avec une bouteille de vodka dérobée au comptoir d'une boutique.

August se noie dans l'obscurité naissante du crépuscule estival, dont les derniers rayons de soleil ont chassé les épaisses masses nuageuses. Que lui reste-t-il donc, si ce n'est l'alcool ? Plus de famille, plus de maison, plus de Laure... Il a tout détruit, et il le sait. La solitude le ronge, et la folie s'immisce dans son âme ; voilà sept jours et une nuit qu'il n'a pas avalé les gélules de la raison, sept jours et une nuit, livré à lui-même, sans aucune dose médicamenteuse.

Il a trouvé une vieille seringue sur le sol, elle était sale, et à demi-usagée ; il a propulsé dans ses veines la substance inconnue qu'elle renfermait. Il a vu le monde en bleu, à l'envers, et tous les visages prenaient les traits de celui de Laure. Il a échangé son téléphone portable contre une bouteille de whisky, aussi. Il avait rendez-vous à l'hôpital, plus tôt ; il a couru le long du ruisseau, les joues suintant de sueur et de larmes, furieusement. C'est dangereux, c'est dangereux, mais qu'a-t-il à perdre ?

August erre toujours, le corps ravagé par l'épuisement physique et mental. Ses poignets saignent encore, les pans de chemises sauvagement déchirés et enroulés autour d'eux restent imbibés d'hémoglobine, mais il ne ressent plus rien désormais. Juste du vide. Et puis rien.

Et August n'est plus, et August est atrophié de conscience, et August disparait.

AUGUSTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant