Chapitre 25

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Leeroy lui-même était très affecté par leur départ. Il avait laissé sur les rivages de sable blanc sa nuit passée avec Darius, mais aussi leurs confidences et le lien puissant qu'ils avaient noué. Darius avait repris son masque renfrogné et était plus taciturne que jamais.

Par-dessus ce profond déchirement, Leeroy ressentait de la colère. Il en voulait au Roi. De quel droit se permettait-il de qualifier leur histoire d'erreur ? En y réfléchissant, Leeroy s'aperçut très vite qu'il était dans son droit le plus légitime, mais il n'en avait que faire. Il ne voulait pas qu'un monarque – aussi puissant et prestigieux soit-il – lui dicte sa conduite et décide à sa place. Ses paroles avaient eu un impact évident sur Darius. Leeroy s'imaginait sans mal que le Mariid regrettait ce qu'il s'était passé entre eux. Il ne l'avait pas dit de vive voix, mais Leeroy ne voulait pas l'entendre. Son silence et sa mauvaise humeur en disaient déjà bien assez.

Leeroy passa les deux jours suivants à éviter le Roi et à observer Darius, dans l'attente que ce dernier échange un regard entendu avec lui. Mais rien ne vint. Darius ne le regardait pas, ne prêtait aucune attention à lui. Il avait même évité plusieurs fois de reprendre les leçons de lecture, prétextant du travail en retard. Ajouter à cela l'ambiance morose du navire, Leeroy s'ennuyait ferme. Sa solitude fut propice aux ressassements de ses échecs, de ses craintes.

Alors qu'il observait la mer en étant dangereusement démoralisé, il décida de se ressaisir. Il n'allait pas affronter l'Hurleblast désespéré et abattu. Il comptait se dresser face à lui avec détermination, à défaut de courage.

Lorsqu'une petite voix familière l'appela, il saisit cette chance pour se changer les idées.

— Monsieur ? s'enquit Sith Bretha.

— Connais-tu des chansons ? demanda Leeroy.

Le Selkie ouvrit des yeux ronds, rendant son regard encore plus doux.

— Peu de chansons de mon peuple sont appropriées à de tels voyages... Mais j'étais venu vous demander les ordres...

— Maudits soient les ordres ! Qui a besoin de plus d'ennui ? Allons plutôt chanter.

La surprise s'intensifia sur le visage du jeune homme.

— Mais...

— Allons-y. Dis aux autres de venir également.

D'un pas ferme, il laissa planté là le Selkie et se dirigea vers le faux pont. Une fois à l'intérieur, dans une chaleur relative, mais au sec, il ne tarda pas à voir arriver le reste de l'équipage. Il observa un moment le visage fatigué des Hommes et la peau grisâtre des Selkies. Ces derniers étaient au moins une quinzaine. Ils paraissaient plus pauvres et démunis encore que les Hommes.

Les chants commencèrent presque naturellement. Un Selkie bien bâti entonna un air mélancolique d'une voix claire. La chanson était belle et sa voix agréable, mais à la fin, l'humeur ne fit que se ternir un peu plus.

— N'avez-vous rien de plus... joyeux ? demanda Leeroy.

— Mais mon capitaine, se risqua un Selkie un peu plus âgé que lui, nous avons pour habitude de chanter en conséquence. Aujourd'hui est un jour pluvieux et gris, sans compter que chaque mile nous rapproche de...

Sa voix s'étrangla et il ne termina pas sa phrase. Leeroy vit les autres membres de l'équipage baisser la tête.

— Je sais tout ça. C'est pour cette raison que je vous ai fait venir ici. Nous n'avons pas besoin de chanter jusqu'au suicide, n'est-ce pas ? Et si nous essayions plutôt des chansons susceptibles de nous remonter le moral ?

Hurleblast - Tome 1 : Le pouvoir des MeidhirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant