Un flocon d'ivoire s'entortillait sur une mèche de cheveux blonds.
Le jardin, herbeux, verdoyant, calme, était encore plus doux : un silence imperturbable l'habitait, froid.On aurait dit que les arbres avaient tenté de se recouvrir d'un long manteau de gel, et, ployant sous le faix de malheurs, se courbaient ; forêt gémissante et fatiguée par l'hiver.
La table du jardin, pleine, ronde, ressemblait à un gros gâteau blanc. Le chat tentait de le dévorer.
Toutes vêtues de blanc, les choses étaient au diapason, et c'était quelque chose d'extraordinaire que de voir la nature en communion avec la nature ; une euphonie rare.
Les branches étaient comme habillées de leur plus belle parure. Il y avait eu la soie jaune-orangée et les dorures châtoyantes de l'automne, le réveil fleuri, pâle et rose comme la joue d'un enfant, au nouveau printemps ; il y avait eu la grâce de la vie dans l'été brûlant où les branches ployaient sous le poids de fruits gorgés d'eau et de chair pulpeuse. Désormais, les arbres se vêtissaient avec élégance et douceur : un blanc pur, éclatant et clair de probité.
Peut-être aurait-on pu dire que ce drap blanc était le linceul que portait la nature, en deuil des temps fleuris... Néanmoins l'étourdissante vie qui s'en dégageait rejettait cette idée : vie simple, dénuée de toute exubérance, le jardin arborait un calme paisible et rassurant.
On aurait eu envie de se plonger dans cette mousse immaculée, de s'entortiller dans cette maille d'or blanc...
C'était avec délice que l'on pouvait contempler l'absolue profondeur des choses, à travers ce miroir d'albâtre où l'infini se reflétait.
Dehors, sous les flocons d'ivoires, le drap blanc chantait. Le chat noir avançait prudemment sur un froid dur et glacé, tâche d'ébène au paysage monochrome. Un oiseau s'était endormi la vieille au soir et, en s'éveillant, sifflotait la comptine d'un hiver de marbre.