J'observe d'un œil dégoûté le rat écrasé sur le bord de la route. En ce moment, je me sens un peu comme lui. Abandonnée à mon triste sort, délaissée aux yeux pleins de pitié des autres.
C'est difficile de perdre quelqu'un, surtout quand on ne s'est pas psychologiquement préparé. C'est souvent comme ça, le mal sévit au moment où on s'y attends le moins.
L'état de ma mère est, disons, stagnant. Elle est en deuil. Je me souviens du jour où mon père m'avait expliqué ce mot. Deuil. Quand je lui ai demandé que signifiait le terme « deuiller », il a gentiment rigolé et m'a reprise correctement. « On dit un deuil, ce n'est pas un verbe. » sachant que j'allais encore une fois lui demander « Pourquoi », il a directement continué « Parce que le deuil n'est pas un verbe mais un état d'esprit. On ne peut pas faire l'action de deuiller mais on est en deuil comme on est triste. On ne peut pas trister non plus. ». Après ça, j'ai balancé la tête d'avant en arrière, comme le font les adultes qui miment le fait de comprendre. En vérité je n'avais pas vraiment saisi le concept.Aujourd'hui j'aimerais bien retrouver mon père pour lui expliquer que, si, deuiller est une action. Une action qui se résume à pleurer du matin au soir en regrettant, comme le fait ma mère depuis maintenant deux ans.
Je suis dans la voiture, attendant le retour de mon frère ainé. Il semble vraiment aimer se faire attendre. Il vient de m'avouer qu'il me trouvait chiante à n'émettre aucun bruit. Qu'il aurait aimé une sœur plus bavarde avec qui il aurait pu rigoler. Malheureusement, je ne peux pas me changer, je suis discrète et muette. Alors je l'attends dans la voiture en jetant des regards triste au rat en décomposition. C'est ma façon de deuiller.
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À en perdre la voix
Teen FictionMuette depuis la mort de son père, Eza tente de se frayer un chemin dans le monde d'aujourd'hui.