« Tais-toi ! Tu ne sais rien ! Tu continues de penser que tu as raison mais tu refuses de m'écouter ! Qui crois-tu être ?! C'est toujours la même chose avec toi ! »
Elle continuait à crier. Sa voix montait dans les aigus et me perçait les tympans. Je sentais mon crâne vibrer. Ses mots se bousculaient et n'avaient plus de sens. Mais qu'elle se taise... Je n'en pouvais plus.
« Oh, tu m'écoutes ? me hurla-t-elle.
- Ferme-la.
- Pardon ? »Ses yeux écarquillés me dévisageaient. Elle ne s'était pas préparé à ça. D'habitude, le moment où elle haussait le ton était celui où je cessais de répondre. Cette fois-ci, j'avais décidé que les choses seraient autrement. Je sentais mon pouls s'accélérer.
« J'ai dit : ferme-la. Tu me casses les couilles à gueuler comme ça. Et comme je sais que tu net'arrêteras pas avant de ne plus en pouvoir toi-même, je me casse. Bonne journée.
- Att... »Je ne lui laissai pas le temps de me retenir. Je saisis mon manteau et mes clés, ouvris la porte et la claquai derrière moi. Mon rythme sanguin se calmait peu à peu. Alors que je m'éloignais silencieusement, je l'entendis hurler de rage. Mais pas seulement. Il y avait une pointe de tristesse aussi.Son cri se transforma en sanglots que je pris soin d'ignorer tandis que je descendais les marches de l'escalier.
En fermant la porte de mon immeuble derrière moi, je lâchai un profond soupir. Je pris ensuite une grande inspiration. L'air froid me brûla narines. Quelques rayons de soleil perçaient à travers le ciel grisâtre. Le vent soufflait et soulevait le bas de mon manteau. Je regrettai de ne pas avoir pris de gants et rangeais mes mains dans mes poches. Bien, qu'allais-je faire maintenant ?
Les rues étaient vides comme tous les dimanches. Tant mieux, le calme était la seule chose que je désirais à ce moment. Je commençais à marcher en direction du centre-ville.Je réfléchissais au meilleur endroit où je pourrais me poser et réfléchir à la situation. Avais-je envie d'y réfléchir ? Non. Je préférais largement appeler un ami pour qu'on se retrouve. Les mains toujours dans les poches, je remarquai un détail fâcheux :elles étaient vides. Mon portable était resté sur ma table de chevet... Tant pis.
J'arrivais à l'entrée du parc où j'avais passé des heures à m'amuser étant jeune. J'entrai. Seules quelques choses avaient changé. Les jeux pour enfant étaient neufs, il y avait maintenant des bancs tout autour et les toilettes étaient rénovées. Je m'assis sous l'arbre sur lequel je grimpais souvent quelques années auparavant. J'observais fixement devant moi le parc et les immeubles l'entourant. Cette vision calme était régulièrement troublée par l'air condensé que j'expirais.
C'était comme un tableau animé. Tellement apaisant... Je me mis à fredonner une musique douce et légère. Je sentais mon corps se relâcher et mes pensées se calmer.
Je repensais aux sanglots de ma petite amie. Que me disait-elle avant que je m'en aille ? Ah, je m'étais dit que je n'y réfléchirai pas mais ma conscience me rattrapait.Pourquoi nous disputions-nous ? Ce n'était pas la première fois mais nous n'étions pas du genre à nous engueuler régulièrement et certainement pas pour des broutilles. Que se passait-il avant qu'elle ne commence à hurler ? Ah oui... Je me souvenais avec un peu de honte :
« Chéri, j'ai besoin de ton aide.
- Pour quoi ?
- J'ai cette patiente qui m'a dit qu'elle n'arrive pas à mener à bien ses objectifs et qui...
- Attends, chérie. Tu n'es pas encore en train de me partager la situation d'un de tes patients alors que tu es soumise au secret professionnel, si ?
- Roh, ça va... Je sais que tu ne le diras à personne, tout va bien.
- Quand bien même, tu trahis la confiance de cette patiente. Et je t'ai déjà dit plusieurs fois que si tu fais tout le temps appel à moi pour trouver une solution à tes problèmes, tu n'arriveras jamais à rien par toi-même.
- Non mais tu t'entends parler ? m'avait-elle demandé en haussant la voix. Je te signale que ça fait plus de deux mois que je ne t'ai pas parlé d'un patient ! Et n'ose pas dire que je suis une incapable, tu sais très bien que c'est faux et que ça m'insupporte d'entendre ça de ta part !
- Non mais encore heureux que tu sois pas une assistée pour tout non plus... Mais quand il s'agit de choses importantes, tu ne prends jamais tes décisions seule. »Après ça, elle avait continuer à crier et j'étais ensuite parti. Tout ceci s'était passé très rapidement. Comme d'habitude, j'avais voulu aider mais je l'avais fait tellement maladroitement que la situation avait dégénéré. Mes intentions étaient bonnes mais mes méthodes probablement moins.
Qu'elle demande mon avis sur ses cas psychologiques était justifié car elle savait que j'avais une approche des gens toute particulière et une habilité à cerner le fonctionnement psychique des gens à travers leurs mots et leur comportement. Cependant, je souhaitais qu'elle apprenne aussi à faire ça par elle-même pour qu'elle n'ai plus besoin de moi. Même si j'étais très bon pour comprendre les gens, je l'étais beaucoup moins pour communiquer avec eux. Même avec mes proches.
Je soupirais à nouveau.Je lui devais des excuses. Mes mots avaient été durs. Je l'aimais et elle m'aimait aussi. Nous ne devions pas nous faire souffrir l'un et l'autre. Je me levais et jetais un regard au ciel, ne sachant pas vraiment ce que j'y cherchais. Puis je me dirigeais vers mon appartement. Au moment où j'allais sortir du parc, un petit garçon déboula en trombe et tomba en me percutant. Je l'aidais à se relever tandis qu'il marmonnait des mots d'excuse, gêné. Une jeune femme accouru après lui et lui attrapa la main. Elle le gronda et s'excusa mille fois auprès de moi. Je lui répondis que tout allait bien en souriant. Elle me rendit le même sourire et emmena celui que je devinais être son fils jouer au centre du parc. Je repris maroute en fredonnant le même air qu'auparavant.
J'arrivai devant la porte de mon immeuble, entrai et montai jusqu'à mon appartement. Je glissai mes clés dans la serrure avant de me rendre compte que la porte n'était pas verrouillée. J'entrai donc et fermai la porte à clé derrière moi. Je rangeai mon manteau dans le placard dans l'entrée et me dirigeai vers le salon. Ma petite amie ne s'y trouvait pas. Intrigué, je marchai silencieusement jusqu'à la porte de la chambre que j'ouvris lentement.
Elle était là, sur le lit, à pleurer toutes les larmes de son corps. Le visage dans ses mains, elle ne me remarqua pas. Je m'approchai d'elle et m'agenouillai à ses côtés. Je caressai son bras en murmurant :
« Chérie,pardonne-moi. Je ne voulais pas te dire tout ça. Je ne veux que ton bien mais je n'arrive pas à te le dire sans te blesser parce que je ne mesure pas mes mots. Je ne veux pas que tu souffres et encore moins à cause de moi. Je t'aime plus que tout. »
Elle arrêta de pleurer et me regarda droit dans les yeux. Les siens étaient encore humides et rougis. Je détestais la voir dans un état pareil. Je la saisis dans mes bras et l'enlaçais longuement.
Oui, je l'aimais plus que tout au monde.
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Remise en question
RomanceParfois, prendre le temps de réfléchir à ce qu'on a fait et dit peut aider à résoudre un conflit.