Partie 1°

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23 Mars 2221 ; Paris

Des pas résonnent sur les sphères de transport. Quelqu'un court, bondit de sphère en sphère jusqu'à une vieille maison. Selon les légendes, c'était avant l'endroit où le dirigeant donnait ses ordres. De grandes façades, des anciennes lumières LED, rien de bien technologique. Seulement, ça avait le mérite d'être très chic, très réputé. Avant...

Au passage de cette mystérieuse personne, les lampes s'éteignent et les hologrammes des contrôleurs s'effacent.

L'ombre entre par la porte principale, et le claquement de cette dernière retentit dans la ville silencieuse.

Dans l'entrée de l'ancien Palais, l'ombre enlève son manteau, son chapeau et son foulard pour ne pas être reconnu. Dans l'obscurité, elle avance d'un pas confiant, puis, devant la première marche d'un somptueux escalier, souffle puis lance à qui veut l'entendre :

<< - La Reine va arriver d'un instant à l'autre ! Cachez tout !>>

Aussitôt, les lumières s'allument, dévoilant le visage d'une jeune femme enroulée dans une sorte de rideau taché et déchiqueté. Elle est brune, mais ses cheveux ont la particularité d'avoir une couleur blonde, dorée, sur les deux boucles qui encadrent son visage. Sa peau est d'une couleur de pêche, ses lèvres rouges, autant que ses joues, sûrement à cause du froid de la nuit.

Mais ses yeux... Ses yeux, tout le monde les connaît. La boulangère en face de chez elle criait chaque fois qu'elle sort : << - V'là la bleutée.>> Mais maintenant, impossible de les décrire : ils sont parfois rouge de colère, parfois noirs de haine, parfois gris de tristesse. Alors les gens, faute de pouvoir lui trouver un nouveau surnom, la prénomme encore "la bleutée". Mais chaque fois qu'ils disent ce nom, désormais, il y a dans leur regard une lueur de mélancolie, et dans leur voix un soupçon de peine.

Un jeune homme, un de ceux dont les filles passent devant en soupirant, s'approche d'elle, lui entour les épaules d'un bras musclé et bronzé, et l'emmène vers l'intérieur du bâtiment.

Des hommes et des femmes s'affairent tout autour d'eux, comme pris de panique. Si la Reine les surprend, c'est en prison qu'ils finiront leur vie. Car être un résistant, à cette époque-là, peut se classer dans la catégorie "métier à risques".

Dans un des somptueux salons, le jeune homme fait asseoir la femme, puis sort de la pièce alors qu'un homme vieillissant, aux longs cheveux blonds bouclés, lui murmure après s'être assuré que la porte était fermée : << - Alors ?>>

Elle secoue la tête : << - Ils ont failli m'avoir... Je me suis mise au sol, derrière un vaisseau. Ils ont tiré, ont détruit le boulevard Saint-Germain. La partie du 5ème.

- Que s'est-il passé ?

- Je n'en sais rien... J'avais pourtant pris l'option "invisible à 5 mètres"...

- Il faudra donc revoir pourquoi l'itinéraire a foiré.>>

Elle savait bien qu'il détestait la vulgarité. Aussi, quand il l'était, ce n'était pas bon signe...

<< - Après j'ai pris par le musée d'Orsay. Je sais bien qu'il leur appartient, mais j'étais obligée... Puis je suis passé par les ruelles de Big et Bang.>>

A ce nom, l'homme se raidit, lui prend le poignet et l'oblige à ne pas détourner le regard : << - Tu les connais ! Regarde ce qu'ils m'ont fait !>>

Ils penche la tête en avant, et sous ses cheveux blonds, une cicatrice longue comme une main lui fend la tête.

<< - Tu sais bien que j'ai failli en mourir ! Et tu continues à les côtoyer.

- Je suis désolée. Si je ne passais pas devant eux, c'était devant les gardes, car ils avaient bouché les autres sorties. J'ai attendu dans le renfoncement d'une porte quelques minutes, puis j'ai couru jusque ici. Est-ce que j'ai mal fait, Mane ?

- Non, Laura, tu as bien fait.>>

Il se lève précipitamment, rejoint les autres personnes dans le hall, leur ordonne quelque chose à peine audible pour la pauvre femme, affalée de fatigue, puis revient avec le jeune homme qui a amené cette fille dans son salon.

<< - Amène la à l'étage, fais lui couler un bain et fais lui manger quelque chose. Demande à Nivana de préparer une chambre pour elle.>>

Il acquiesce, aide la jeune femme à se lever, la supporte sur son épaule et l'entraîne dans l'escalier de marbre. L'homme s'assied à son tour sur le canapé, regarde le portrait sur sa table, jusqu'alors retourné : une photo d'elle et lui. Ils sourient tous deux à l'objectif, et un instant, le pauvre monsieur replonge dans ses souvenirs : une si belle journée. Elle avait amené son ami, ils avaient mangé dans un petit parc. Puis ils avaient pris des dizaines de photos, toujours dans la bonne humeur. Il la connaissait, savait qu'elle ne souriait pas pour rien : elle plissait ses yeux bleus rieurs grâce à la joie d'être avec les deux hommes qu'elle aimait le plus. Cette journée allait rester à jamais gravée dans sa mémoire. A la pensée de cette phrase qu'elle avait prononcé, le vieil homme retient une larme : si elle avait su... Il regrette à présent tout ce qu'il lui a fait enduré. C'est à cause de lui si, aujourd'hui, ses beaux yeux bleus sont devenus noirs...

***

Salut ! J'espère que ce premier chapitre vous a plu, tout autant que la suite qui arrivera très bientôt ! Gros kissouilles sur vous !!

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⏰ Last updated: Feb 18, 2018 ⏰

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BleutéeWhere stories live. Discover now