Les Terres Perdues

Chapitre 6- Le Voguant

- Mama ! Je vais sur les toits !

Je criai, en bas de l'escalier. J'attendis quelques secondes avant d'avoir ma réponse.

- D'accord, mais je veux que tu reviennes avant minuit ! cria-t-elle à son tour.

Minuit ? C'était dans une heure ! Il me fallait plus de temps. J'allais devoir négocier. Tout en préparant mentalement mes arguments, je montai d'un pas rapide les escaliers. J'arrivai alors dans le couloir, et aperçu Mama Naho juste au bout. Je m'approchai de quelques pas.

- Minuit ? Dis, c'est l'été...Je ne peux pas rester un peu plus longtemps ? Il fait jour très tard, d'ailleurs, le solstice d'été n'est que dans 1 semaine !

- Lia...Je sais qu'il fait beau, mais je ne veux pas que tu sois seule sur les toits. C'est dangereux, et s'il t'arrive malheur personne ne pourra t'aider.

Oh non, elle recommençait avec ses exemples extrêmes ! Avec elle, tout était dangereux. Je soupirai, et lui dis :
- Je ne suis pas seule, je suis avec un ami.

- Oh, ma petite Lia, tu te décides enfin à aller vers les gens de ton âge !

- Mama, c'est quelqu'un qui est de passage -il ne reste que deux mois-, je n'irai jamais avec les gens de mon âge d'Aquatea. Ils sont trop immatures.

Ma grand-mère me regarda, un sourcil levé, l'autre froncé.

- Comment peux-tu dire ça, tu ne vas jamais avec eux ?

- Ils sautent du haut d'une falaise, Mama. C'est idiot.

- Tu sautes bien de toit en toit, non ?

Je fis la moue. Pourquoi avait-elle toujours le dernier mot ? Je soupirai de nouveau, et lui demandai de me laisser plus de temps dehors.

- S'il te plaît ! suppliai-je.

- C'est d'accord, pour une fois que tu as un ami de ton âge, dit-elle en insistant sur le "pour une fois".

Je souris, l'embrassai, et courus en bas de l'escalier, remontai la rue sur 5 mètres, et grimpai le long de l'échelle de bois. Je sautillai sur place, incapable de retenir ma joie et mon impatience. Enfin, je vis une silhouette sur un toit plus loin. Je me mis à sourire, et agitai les bras. L'autre soir, quand nous nous étions retrouvés, il avait failli me décrire le Voguant, mais s'était retenu juste à temps. Moi, je n'avais qu'une envie : VOIR le Voguant. Enfin il était là, et je lui sautai dessus.

- J'ai hâte de voir un vrai Voguant !

- Quel enthousiasme !

Je fis mine de reprendre mon sérieux.

-Bonsoir Camille. Je suis ici pour la visite de 23h36 du Voguant. Mon nom est-il bien noté sur votre calepin ?

- Bonsoir Lia, bien sûr, vous aviez même réservé le créneau en visite privée, à ce que je vois ! Quelle chanceuse vous êtes.

Nous rîmes, puis Camille pointa le doigts vers l'Ouest

- Tu vois le port de l'Ouest ? C'est là-bas qu'on a amarré. Tu sais comment y aller ?

Je me tournai vers lui, l'air dubitatif.

- Excuse-moi, qui habite ici ?

Il rit, et se mit à courir en direction du toit d'en face.

- Hé, attends, lui criai-je. C'est pas par là !

Il s'arrêta, attendant que je lui indique la bonne direction.

- Si tu vas par là, tu vas te retrouver à sauter par dessus des creux de 10 mètres. Je ne mets en pas en doute tes capacités de saut en longueur, mais je pense que faire un léger détour est plus adapté. Tu n'ai pas venu par les toits ?