Les semaines passaient identiques et ennuyantes. Le matin Eléonore assistait silencieuse au conseil politique de Benimi. On ne lui avait pas clairement dit qu'elle devait se taire mais elle ne préférait ne pas donner son avis pour ne pas en subir les conséquences. Les discussions tournaient en rond et les mêmes problèmes étaient soulevés : la faim du peuple, le manque d'armements de leurs armées et les caisses de l'État qui se vidaient dans cette guerre interminable. Cependant Eléonore apprit beaucoup sur le peuple ennemi. Les Wrigts venaient du Sud du continent et étaient décrits comme des barbares. Leurs armes n'étaient pas connus ni par les soldats ni par le gouvernement bénimien. Elles semblaient plus techniques et utilisaient plusieurs sciences mélangées dont on ne pouvait démêler les origines. Elle savait aussi que des chercheurs avaient réussi à récupérer des bouts d'armes et travaillaient dessus. Les Wrigts parlaient une langue bien différente de celle de Benimi (que Eléonore avait dû apprendre) ou même de Minde. De même elle n'était pas connu des livres de linguistique ou de phonétique présents au château. Eléonore avait beau être présente à toutes ces réunions, elle se sentait inutile à mourir surtout que plus aucun membre du château ne lui adresser la parole. Seulement le garde du premier conseil qui venait la chercher tous les matins et qui la ramenait dans sa chambre où l'attendait un repas. L'après-midi elle devait se concentrer, seule, sur l'apprentissage du Bénimien. Elle en profitait aussi pour écrire à sa famille en sachant pertinemment qu'elle n'aurait pas le droit d'envoyer de lettres sans l'accord d'un membre de la famille royale. Vers la fin de la journée, le garde la faisait sortir de sa chambre pour l'amener dans un patio où fleurissait des plantes de multiples couleurs. Le garde ne lui parlait jamais durant ces moments à l'extérieur. Eléonore avait d'abord pensé s'enfuir pour rejoindre son pays et pouvoir demander sa grand-mère ce qu'elle devait faire mais elle avait pris sur elle et avait renoncé à cette idée malgré sa patience qui commençait à s'effriter.
Lors d'une de ces sorties quotidiennes une pluie fine commença à tomber. Eléonore ferma les yeux et goûta à cette fraîcheur nouvelle. Cependant la pluie redoubla de force et le garde, la prenant fermement par le bras, l'amena à l'intérieur du château. Eléonore découvrit une nouvelle pièce, elle qui ne connaissait seulement sa chambre, la salle de réunion, le petit jardin et les couloirs sombres qui les reliaient. Une pièce beaucoup plus colorée dont les murs étaient ornés de tableaux. Eléonore s'en approcha sous l'œil inquiet du garde. Le premier représentait un paysage verdoyant et à l'arrière plan il y avait une grande bâtisse entourée d'un cours d'eau.
« Le château ?, pensa Eléonore. »
Elle ne voulut pas demander au garde de peur d'éveiller quelconque soupçon qui lui serait reproché. Elle continua à observer ce tableau. Si elle avait raison cela voulait dire que elle ne vivait pas dans un château mais dans une immense maison qui comptait plusieurs cours intérieurs. Mais le plus important c'est que l'endroit où elle était enfermée était complètement isolé du reste du pays. Eléonore ne prit ces informations comme acquises car elle ne savait pas de quand dater le tableau. Elle se décala sur la droite pour se retrouver face à un portrait d'une jeune femme. Sa peau était blanche et elle baisser les yeux, semblant être gênée par le peintre. Le tableau semblait récent, pourtant le style de vêtements qu'abordait la femme lui semblait très vieillot. Eléonore ne s'attarda pas sur ce détail en se disant qu'elle ne connaissait pas encore suffisamment l'histoire de Bénimi pour savoir les coutumes vestimentaires du siècle dernier. Les derniers tableaux montraient un lac de plusieurs points de vues. Contrairement aux deux autres, ces peintures semblaient être beaucoup plus récente et surtout avoir été faites par un amateur. Le trait était incertain et les couleurs presque irréalistes. Eléonore sentit le regard du garde sur son dos ; elle se retourna non sans avoir enlevé le pli sur son front lié à son incompréhension. Le garde s'appuyait nonchalamment sur la porte fermée et Eléonore fut soudain surprise par un élan de lassitude. Elle en avait marre du silence et de la solitude. Alors, brisant les obligations, elle demanda :
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Rester silencieuse
General FictionElle part avec un secret et un mariage. Mais ne connaît ni l'un ni l'autre.