Chapitre 18

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Les dominants sont rentrés tardivement, bien après qu'Asahi est décidé de nous faire dîner sans eux. Leur repas était délicieux et plein de vie malgré tous les absents du clan Karasuno. Cela me changeait du clan Fukurodani, beaucoup moins familial finalement. Autour de la table se trouvait Tobio, Yachi et Yamaguchi à mes côtés, Narita, Asahi et Kinoshita en face de nous. Kinoshita, un châtain plutôt grand et timide, était un soumis du clan Karasuno, qui rentrait tard chez eux à cause de ses études. Tobio, quant à lui, n'avait pas ouvert sa bouche une seule fois, pas même pour remercier Yachi qui avait rempli généreusement son assiette. Ce garçon ne me déplaisait pas, au contraire, il attirait toute mon attention. Je voulais absolument voire comment était la relation de Hinata et Kageyama.

Le noiraud a été le premier à partir de la salle à manger, ne laissant pas ses aînés indifférents. Kinoshita, apparemment attentionné pour ses cadets, se racla la gorge en captant l'attention d'Asahi.
- Laisse tomber, dit-il tout bas.
- Pourquoi ? demanda Kinoshita. Je pensais qu'Hinata s'était un peu calmé.
- Apparemment non... souffla Narita d'un air désespéré.
- Nous ne pouvons pas régler leur histoire, se résigna la petite blonde.
- Yachi..., s'inquiet Asahi, on ne va pas les laisser se détruire l'un l'autre ?
- Non, répond-elle, mais s'ils veulent rester ensemble, c'est à eux d'arranger les choses.
- Je peux peut-être essayer d'aider Tobio ? proposais-je.
Face au silence qui s'installait dans la pièce, je continue :
- Je ne peux pas me permettre d'aller secouer Hinata... grimaçais-je. Nous ne nous connaissons pas et, en tant que dominant, il prendrait mes conseils comme des critiques sans fondements.
- C'est vrai qu'Hinata est dur de la tête... râla Yamaguchi.
Nous nous mettons tous d'accord pour le plan à établir. Raisonner Tobio, mais comment ? Les membres de Karasuno m'ont laissé carte blanche pour faire revenir l'harmonie au sein du duo.

Je me suis présentée devant la porte de sa chambre sans aucune idée précise en tête, priant pour ne pas tomber nez à nez avec le noiraud pendant ma réflexion. Je me suis décidée à toquer, me signalant sans entrer. Je l'entends lâcher un grognement et trainer ses pieds sur le parquet ciré de sa chambre, m'ouvrant d'un geste flemmard.
- Oh, lâcha-t-il en me voyant, que me vaut une visite si bourgeoise ?
- Merci du compliment mais j'aimerais te parler, sérieusement, précisais-je en voyant son sourire en coin.
- Entre.
Il ne dit rien d'autre et me laisse le suivre dans sa chambre, fermant la porte derrière moi. Personne ne parle et le silence lourd qui s'installe entre nous ne semble pas arranger les choses. Tobio me fait signe de m'assoir sur son lit défait tandis qu'il se pose sur une chaise de bureau à roulettes.
- Alors ? me demande-t-il soudainement. Tu viens arranger les choses entre Hinata et moi ?
- Oui, répondis-je franchement.
Cela ne servait à rien de lui mentir sur mes intentions. Il semblait, comme mon ami Kenma, cerner les gens en un coup d'œil. Si le noiraud était comme le faux blond à ce niveau-là, il valait mieux dire la vérité par soi-même puisqu'il savait déjà tout.
- Ton honnêteté me tranche à chaque fois, Miyato.
- Tu peux m'appeler par mon prénom, lui dis-je en souriant.
- Cependant, avant toute discussion inutile, j'ai une question pour toi.
Sa voix est basse, sans intonation particulière, et semble refléter son humeur décrochée de tout intérêt.
- Oui, laquelle ?
- Connais-tu, par hasard, Shōyō Hinata ? demande-t-il d'un ton las.
- Non, désolé, mais-
- Alors tu ne peux rien pour moi, Ayame, souligne-t-il volontairement mon prénom d'un sourire faux.
- Pourquoi ? demandais-je perdue. Je ne veux pas entrer dans ta vie, et juger, mais seulement t'aider.
- Tu n'es personne pour moi, rien du tout, souffle-t-il ennuyé.
- Mais tes amis s'inquiètent pour toi et, eux, connaissent Hinata, lui fis-je remarquer. Alors pourquoi refuser leur aide ?
- Parce que personne ne me comprend.
- Tobio... dis-je en rougissant par ma familiarité avec lui.
- Tu devrais sortir de ma chambre.
- Je ne sortirais pas, désolée, m'excusais-je sincèrement.
Le noiraud se leva et marcha jusqu'à la porte de sa chambre, toujours aussi mou et ennuyé de toute cette histoire. Je le rattrape avant qu'il n'ouvre la porte, posant ma main sur son bras tendu vers la poignée dorée.
- Je te comprends, moi.
- Ah oui ? dit-il d'un ton méprisant.
- Je comprends le fait d'être attaché à quelqu'un sans vraiment comprendre pourquoi, lâchais-je. Je comprends ton lien important mais encore fragile que tu as envie de nouer avec un type que tu ne supportes même pas... Cette odeur si spéciale qu'il dégage pour te protéger mais qui t'intimide au plus haut point. Nos actes liés par les leurs, qui doivent rester simples et soignés pour ne pas leur faire honte parce que, même si nous avons autant de chance, ou pas, de les avoir, ils appartiennent au système que nous haïssons.
Sans m'en rendre compte, des larmes ont coulé le long de mes joues et tombent pour s'écraser contre le sol devant le regard troublé de Tobio. Il semble totalement décontenancé et avant même que je ne fasse quoique ce soit, il laisse son corps tomber contre la porte, pleurant à chaudes larmes.
- Tobio... hoquetais-je. Je suis désolée.
Le garçon ne se contrôlait plus, impuissant face à tous ces différents sentiments mélangés. Je m'agenouille à son niveau, séchant mes larmes d'un coup de manche avant de lui tendre ma main tremblante. J'ai peur un instant qu'il me repousse, mais il la saisit d'un geste désespéré, et je le tire vers moi puis jusqu'au lit qui trône au milieu de la chambre.
- Je ne voulais pas te faire pleurer, m'excusais-je encore en posant ma main sur son épaule.
Tobio ne décroche pas un mot, pas même un regard, et s'allonge sur le lit en gardant le silence. Ses pleurs se sont légèrement calmés, alors je décide de me lever pour le laisser se reposer. Ses iris bleues se couvrent de ses paupières lorsqu'il me voit m'en aller et ses joues rosies par les larmes sont gonflées par un sourire timide qu'il m'accorde.

La porte s'ouvre avant même que je ne touche la poignée, me faisant reculer d'un bond. Je tombe nez à nez avec des yeux mordorés, écarquillés par la colère. Un roux se tient devant moi, les poings serrés, me dévisageant de haut en bas sans aucune retenue.
- Qu'est-ce que tu fous dans sa chambre, toi ? me demande-t-il d'un ton agressif.
- Je-
- Shōyō ? s'étonne Tobio derrière moi.
Voici le fameux rouquin de dominant qu'est Shōyō Hinata. Un instant je crois voir son regard s'adoucir sur Tobio, encore le visage rougi par les pleurs, et Hinata doit s'en rendre compte.
- Tu peux m'expliquer pourquoi Tobio pleurs ? m'hurle-t-il à la figure, me faisant sursauter.
- Nous avons parlé, c'est tout, répondis-je calmement au dominant qui semblait sur le point d'exploser.
- C'est tout ? continue-t-il de crier en s'approchant de moi.
- Hinata, arrêtes s'il te plait, demande Tobio doucement.
- Oui, je suis désolée mais-
- Désolé de quoi ? s'étonne le dominant en riant méchamment. D'entrer dans la chambre de mon soumis pour le faire pleurer ?
- La ferme Hinata, me coupe le noiraud qui peine à se lever.
- Pardon ? s'étonne le rouquin.
- La ferme, t'as compris ? s'impose Tobio d'une force nouvelle, me rejoignant face à son dominant.
Je ne sais pas vraiment si notre conversation lui a donné une telle hargne, mais je me sens soulagée que Tobio ose parler. Je me sens quelque peu coupable du ton qu'il emploie face au roux, mais si ce n'est que de cette façon qu'il comprendra la douleur de son soumis, alors autant tout essayer.
- Elle n'a fait que m'aider... souffle le noiraud en levant les yeux au ciel.
- T'aider ? se moque Hinata. Comment a-t-elle pu t'aider ?
- En me comprenant, lâche Tobio en serrant les dents. Elle m'a simplement compris.
- Elle ? Une simple soumise ? ricane-t-il.
Tobio sembla sentir ma gêne puisqu'il intervient avant que je ne me défende, arrêtant mon élan en prenant mon bras, ce que son dominant ne manqua pas de remarquer d'un mauvais œil.
- Je t'interdis de la rabaisser, puisqu'elle a accompli ce que tu n'étais pas capable de faire.
Le roux reste interdit, et impuissant, face au nouveau comportement de son soumis. N'avait-il vraiment jamais envisagé le fait que Tobio se rebelle ? Cela est-il si évident pour les dominants de nous contrôler ou de nous rabaisser ?

Bokuto est un dominant - Haikyū!!Où les histoires vivent. Découvrez maintenant