Chapitre 3 : La leçon

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— Mademoiselle Cordelia, tonna un précepteur. Mademoiselle Cordelia, répéta-t-il.

L'intéressée releva les paupières, révélant de grands yeux verts, à moitié endormie par son cours magistral. Cela faisait maintenant plus de trois heures que l'enfant de sept ans était assise sur sa chaise, épuisée. Coincée dans sa demeure à Siansa, le huitième étage de la cité, quartier des savants et des scientifiques, les discussions interminables sur l'histoire de la ville commençaient à l'assommer.

— Oui... ? fit-elle en se frottant les yeux de la main gauche, dissimulant un bâillement de la main droite.

Son précepteur l'observa d'un air décontenancé, puis se passa lourdement la main sur le visage.

— Pouvez-vous me répéter pourquoi notre ville porte le nom de Lasiar ? demanda-t-il.

Cordelia le fixa un instant, la bouche ouverte, sans trop savoir quoi répondre. Au bout d'un certain temps, elle balbutia quelques mots :

— Heu... Il était le premier roi de la ville ? Non ?

En un instant, le professeur abattit sa règle sur la table de Cordelia, dans un bruit assourdissant. La petite fille de sept ans sursauta.

— Soyez plus précise ! cria-t-il.

Cordelia se renferma, se recroquevillant sur elle-même, tournant ses pouces à un rythme effréné. Devant le malaise qu'il venait de provoquer chez sa jeune élève, le précepteur tenta de se faire plus compréhensif.

— Allons, insista-t-il, faites un effort. Ce n'est pourtant pas si dur que ça. Sauriez-vous me rappeler les circonstances de la fondation de notre ville ? N'avez-vous pas assisté au discours de notre roi récemment, lors du jour des mémoires ?

Il ajouta pour lui-même :

— Mémoire dont vous auriez bien besoin...

Ces derniers mots n'échappèrent malheureusement pas à Cordelia, qui baissa la tête honteuse.

— Il y a maintenant exactement trois-mille cent trente-deux ans, continua-t-il, notre premier roi conclut un pacte avec Althæa, notre déesse bienfaitrice.

— Un marché ! renchérit Cordelia, comme si elle venait d'avoir une révélation.

Sûrement avait-elle dû penser qu'employer un simple synonyme du mot « pacte » comblerait ses lacunes. Le professeur l'observa un temps, haussa un sourcil, puis continua son cours.

— Certes, admit-il d'un air détaché. Je disais donc que ce fameux « marché », comme vous l'appelez, était un compromis à double tranchant, qui s'applique encore à nous aujourd'hui. Il est deux closes qui se doivent d'être respectées, toujours, sans aucune contestation. Desquelles s'agit-il ? questionna-t-il.

Cordelia entoura ses jambes de ses bras, puis se mit à se balancer sur sa chaise.

— Point de liberté tu recevras, et point d'âme pourvue sera le cœur de ton roi, récita-t-elle, hésitante.

La règle du précepteur vint s'abattre sur ses mains, lui faisant pousser un petit cri. Quelques secondes plus tard, une larme roula sur sa joue, tandis qu'elle faisait de son mieux cette fois-ci pour retenir toutes les informations qui lui étaient données.

— Je vois que vous aimez bien les rimes, mademoiselle Cordelia. Faisant preuve d'autant de talent dans ce domaine, peut-être pourriez-vous vous pencher d'un peu plus près sur celui que nous sommes en train d'étudier.

— Mais... fit-elle.

Le précepteur lança un regard noir dans sa direction, et elle n'insista pas.

ALTHÆA - T.1 - La Mère des CendresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant