J'aurai bientôt perdu toutes mes jolies bouclettes. Elles s'en vont je ne sais ou, mais il me reste encore la caresse inlassable des mains humaines. Je me souviens aussi qu'à l'époque, j'avais envie de leur crier : « je ne suis pas une bête ». Mais à chaque fois, les mots s'étouffaient dans un bêlement gargouillé au fond de ma gorge, et je baissais la tête sous les doigts et les paumes. J'ai beaucoup admiré, lors j'ai plongé les yeux dans la mer, lissé mon poil sous les flots brillants des rivières sans retard. Je rejoignais chaque soir le troupeau plus fort et plus vif. L'inquiétude de mon animalité m'a quitté peu à peu. J'ai fini par accepter les barreaux et après m'y être cassé les dents, me suis libéré de leur étreinte. Mon cuir est apparu moins tendre et moins doux. Il ne tente à présent que des mains gantées de mailles sécurisées. Ma langue passe lentement sur l'émail proéminent de ma mâchoire tranchante, et le gout ferreux de mon sang éveille sensuellement la voracité du carnivore qui irrémédiablement dévore la douceur de ma pilosité intérieure. Maintenant, je suis un « Lamb Shark », d'allure et d'allant, je peux errer parmi les prédateurs.