Les lèvres salées

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~ Maceo

Alicia me regardait d'un drôle d'air... Elle avait quelque chose à dire, quelque chose de grave à en juger par son regard. Nous étions tous les deux assis sur le canapé au milieu du salon, et même si elle était tournée vers moi, je voyais qu'elle fuyait mon regard. Cette fois elle ne croisait pas les jambes, assise confortablement, non là elle était raide, les mains posées sur ses cuisses... Elle avait l'air gênée, et aux coups d'œil qu'elle glissait à l'horloge accrochée au mur, n'importe qui aurait deviné que ce qu'elle avait à dire était compliqué aussi pour elle. Je me suis décidé à rompre le silence :
"_ Écoute, Alicia, on a l'habitude de se dire ce qui ne va pas, alors parle moi.
_ C'est fini..."

La nouvelle ne m'étonnait pas - du moins je me doutais de la nouvelle à cause du décor - mais j'étais assommé. Comme si elle venait de me donner un coup de poing dans le ventre. Mon cœur s'accélérait, ma respiration perdait en régularité... Ne pas céder au stress est important, nos poumons peuvent contenir jusqu'à trois litres d'air, mais on n'en utilise qu'un seul.
"_ Maceo, c'est fini !
_ Hm... Oui j'avais bien compris la première fois...
_ Et c'est tout ce que ça te fait ?
_ Si tu me quittes t'as tes raison, et si t'as tes raisons je vois pas en quoi il est important que je pleure..."

La vérité est que je ne pouvais pas pleurer... J'avais peur peut-être, je ne voulais pas pleurer, pas face à elle ! Après avoir échangé quelques regards tout aussi gênés que dérangeants, j'ai remballé mes affaires. Elle me regardait en se tenant là, debout, comme si j'avais besoin de sa pitié. Je suis sorti de l'appartement, je me suis retourné, et elle m'a demandé :
"_ Tu vas aller où ?
_ Qu'est-ce que ça peut te foutre ?"

J'ai déposé un dernier baiser sur ses lèvres, et elle m'a giflé et a claqué la porte devant moi. J'ai descendu les escaliers avec mes valises, j'ai attendu un taxi... Longtemps... Et je sentais le poids de son regard depuis cette fenêtre tout là-haut. Je sentais le poids de l'air sur mes épaules, le poids du regret, de la nostalgie. Un taxi est arrivé, je me suis assis dans la voiture, j'ai donné l'adresse d'un pote déjà au courant de la situation, qui a eu la sympathie de m'héberger... Une fois arrivé chez lui, je me suis enfermé d'abord dans les toilettes pour pleurer, puis sous la douche pour réfléchir. Ce dernier baiser...

Je me suis rapidement habillé, je suis descendu dans la rue, j'ai couru, j'ai couru à travers toute la ville, j'ai couru jusqu'à l'appartement d'Alicia. Une fois arrivé devant la porte, j'ai collé le post-it, j'ai toqué à la porte, et je suis parti en courant comme un gamin. Je courais pour qu'elle ne m'aperçoive pas, je courais et je l'imaginais lire ce post-it avec écrit en noir sur jaune : "Hey... Je sais pas si on t'a dit mais t'as les lèvres salées".

Vie et Mort de celui qui pourrait être votre voisinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant