Assujetti ⭐

Prologue

Les cris lui parvenaient de tous les côtés, les gens se bousculaient, certains tombaient et se retrouvaient piétinés sous les pas précipités et incohérents de la foule en panique. Sous ses yeux, un enfant perdit la vie, étouffé par le poids des adultes et adolescents cherchant à rester vivant. Dans les rues du capitole, c'était l'anarchie. Ce fut autours d'un homme de tomber aux pieds du jeune garçon, touché par l'une des nombreuses balles tirées dans leur direction. Pour lui, ce fut le signal, et à son tour il se mit à courir.

Ses bras repoussaient des femmes, l'une d'entre elle portait un nourrisson qui manqua de chuter mortellement. Ses épaules frappaient celles de ses voisins sans la moindre once de douceur. Les projectiles sifflaient dans ses oreilles et quelques mètres plus loin, une habitation de fortune s'écroula. Juste là où il se tenait une vingtaine de secondes plus tôt. L'effroi gagnait les habitants aussi rapidement que l'angoisse lui retournait l'estomac.

Égoïstement, chacun tentait d'atteindre la sortie sans se soucier de la survie de la marée humaine autours de lui. Chacun faisait le sourd aux suppliques, à la douleur et à l'horreur qui les entouraient. Ses pieds nues trébuchèrent sur un morceau de verre qui entailla ses chaires, lui arrachant un grognement plus animal qu'humain. Mais la souffrance ne semblait pas l'atteindre, la seule chose sur laquelle il était concentré, c'était cette fichue porte, ce fichu pont qui commençait déjà à se relever. C'était sa seule chance, la clef lui permettant de fuir cet enfer. Alors il accéléra, poussant sur ses muscles, condamnant un vieillard se trouvant sur son passage, projetant une petite fille tout aussi innocente que lui sur la trajectoire des munitions volants dans leurs directions. Un hurlement de rage, sa vue se brouillant sous les perles salées qui s'entassaient. Il y était, dix enjambées tout au plus. Un saut qu'il ne pensait jamais être capable de faire dans une situation normale, et son corps rencontra durement la terre et l'herbe sèche, quittant les pavés sales et usés de la capitale.

« -Namjoon ! »

L'appel lui parvint à peine, il devait se relever, maintenant. Il n'était plus protégé par la vague, vulnérable au milieu de cette étendue aride. Faisant fit de la douleur qui commençait à se faire sentir sous son talon, il prit appuis sur ses mains et s'élança. Une balle toucha son épaule, manquant de le faire tomber à nouveau. Mais non, il était toujours debout, continuant sa course comme si sa vie en dépendait. Parce que c'était le cas. Ses poumons crachaient, lui imploraient une pause, de l'air. Chose qu'il ne pouvait leur accorder. Pourtant, après de longues minutes, il s'arrêta, caché par un arbre, et se retourna. Au loin, s'étendait la ville en proie aux flemmes dévorantes ordonnées par le gouvernement. Seules les immenses murs d'aciers empêchaient le feu de se propager. Un sanglot quitta alors sa gorge, alors qu'il se laissait glisser contre la végétation mourante. Sa mère l'avait appelé, et il ne s'était pas retourné. Sous ses yeux ses mains ensanglantées tremblaient compulsivement, incapable de se calmer sa tête tomba en arrière.

La faim le tiraillait, tout comme la soif. Le ciel au-dessus de sa personne n'avait plus rien de rassurant, le bleu n'était plus sa couleur première depuis des années maintenant. La pollution l'avait rendu grisâtre, constamment obstrué par d'épais nuages recrachant sans jamais s'arrêter cette étrange neige semblable à des cendres. Dans sa bouche, il y avait ce goût de terre et de rouille lui donnant la nausée. Des heures maintenant qu'il marchait sans but, s'éloignant un peu plus de l'enfer mais pourquoi faire ? Ses jambes ne le portaient presque plus, alors qu'il escaladait le récif montagneux entourant la vallée. On racontait que de nombreux siècles auparavant, la roche était recouverte d'un immense manteau blanc, et froid, bordée par la mer. Il n'y croyait pas, il n'y croyait plus. Il ne croyait plus en rien.

Le mouvement de trop, et il vacilla sans parvenir à se relever cette fois.