XXXI
Hannah, dont l'humeur s'était allégée après l'intercommunication qu'elle avait eue avec ses envoyés, avait profité du reste de sa journée pour traiter le plus de dossiers possibles. Le Chancelier Karden, de plus en plus à bout de souffle, ne cessait pas de l'aider pour autant. Elle travailla trois heures, peut-être quatre, puis elle monta dans ses appartements. Elle croisa Judi au détour d'un couloir et lui sourit, puis traversa son antichambre et soupira longuement lorsqu'elle arriva dans son salon-bibliothèque. En ouvrant les yeux, elle poussa un cri de frayeur : Maïke, les cheveux en bataille et l'air ravageur, l'attendait sur un fauteuil bien en face de la porte, une cheville posée sur le genou opposé.
– Tu m'as fait peur, lui reprocha-t-elle.
– On m'a déjà dit ça, rétorqua-t-il avec un clin d'œil.
Elle leva les yeux au ciel. Il était vraiment désespérant quand il voulait flirter.
– Franchement, j'aime mieux quand tu te tais.
– Je sais, princesse.
Elle allait lui donner une tape pour manquement à l'appeler par le titre que lui conférait l'étiquette, mais il se leva et pressa ses lèvres contre les siennes. Elle sentit sa langue s'engouffrer dans sa bouche et cessa de lutter. Elle se laissa fondre à son contact et dévora ce visage qui s'offrait à elle. Par l'Œil ! Que c'était bon, que c'était doux, que c'était délicieux ! Toutes ses angoisses, toutes ses craintes, toute sa fatigue accumulée paraissait couleur hors d'elle et disparaître lorsqu'elle étreignait ce corps.
– Personne ne me résiste, murmura-t-il tandis qu'il lui léchait l'oreille.
Elle lui donna un petit coup de pied dans le genou avant de l'embrasser encore plus passionnément pour le faire taire tout à fait.
***
Le lendemain, Judi vint informer Hannah dès le matin pour lui annoncer qu'elle devrait s'absenter du palais pour quelques jours. Maintenant que Fred n'était pas là, et que le palais était déjà pratiquement vide, elle voulait en profiter pour régler quelques affaires à elle un peu plus loin dans le pays. Elle souhaitait également rendre visite à sa belle-mère qu'elle n'avait plus vue depuis bien longtemps, et qui vivait dans une ville relativement éloignée – mais elle se garda bien de trop insister sur ce point, connaissant les difficultés qui ne pouvaient manquer de survenir lorsqu'on abordait le thème des parents, même éloignés avec les XXIs. Ni la vengeance ni les années n'avaient pu tout à fait effacer leur traumatisme et leur rancœur. C'est pourquoi Judi accentua beaucoup l'importance desdites affaires, qui relevaient plutôt de quelques contentieux avec certains habitants de son village, accumulés du temps où elle était une orpheline courant les rues, et de quelques dettes dont elle ne s'était jamais acquittée. Quelque chose au fond d'elle la poussait à ne plus rien devoir à personne, comme pour se purger l'âme et en ressortir plus tranquille. Quant à sa belle-mère, elle savait parfaitement que la vieille femme recevait peu de visite et apprécierai de pouvoir parler en tête à tête avec sa belle-fille sans que son fils soit présent. Elles pourraient passer un bon moment et Judi pourrait s'abreuver d'anecdotes sur la jeunesse de Fred, ce qui lui permettrait de rendre son voyage plus agréable et plus léger. Au fond, peut-être avait-elle tout simplement besoin de changer d'air, de respirer l'oxygène des campagnes, elle aussi, mais sans pour autant se faire inspectrice de chantier. Elle partit donc un matin, prenant tout le monde un peu au dépourvu, dans un petit fiacre et avec une petite malle. Hannah était sortie dans le couloir et, du coin d'une fenêtre, elle avait aperçu la voiture qui s'en allait par la grille.
De leur côté, les XXIs en vadrouille avaient achevé un peu plus tôt que prévu leur mission ; tout rentrait parfaitement dans l'ordre. Le maire était ravi, le chef de projet retrouvait son travail, les protestataires étaient dispersés, et à peine aurait-on quelques indemnités à verser. Voilà une région qui, bien loin de rejeter l'autorité impériale, ne tarirait pas d'éloge envers ce brave et juste gouvernement. Ilhoé, Makss et Meerk s'étaient chargés d'enregistrer un très favorable compte-rendu audiovisuel de leurs dernières activités que l'impératrice recevrait dès lors qu'elle ferait brancher son système d'intercommunication, ce qui ne pouvait manquer d'arriver dans les quelques heures qui suivraient. Puis, pour n'être pas parti plus longtemps de la résidence où leur rôle les appelait, ils décidèrent d'un commun accord de reprendre la route. Leur longue voiture les attendait toute attelée, avec son chauffeur et ses gardes en permanence sur le qui-vive. Le temps de remercier une fois de plus leurs hôtes les plus bienveillants, ils repartaient sur les grands chemins de campagne, leurs chevaux avançant à une prodigieuse allure aussi mécanique que régulière.
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Les Derniers (Les XXIs, livre IV)
Fantasy☞ Tome I : XXI -Le Bagne ||Seize ans ont passé. Leurs descendants seront-ils à la hauteur ?|| ~Les Derniers~ 2104. Tant de choses ont changé au palais... Qu'est devenue la relation d'Hannah et de Dietr ? Et celle de Maïke et d'Örka ? Les XXIs ont b...