La rue semblait vide... Les murs fades, sombres, étaient parcourus de diverses tuyaux d'où une étrange vapeur tentait de s'enfuir... Des gaz inconnus se mélangeaient, s'unifiaient. La rue, ou plutôt la ruelle était très étroite et nul ne pouvait distinguer le ciel... C'était comme une cage dont personne ne pouvait s'échapper. Il y dégageait une odeur de ferraille, de métal brûlant, de souffre... Et à travers un silence de mort sonnaient les cliquetis des rouages et autres boulons s'entrechoquant. Parfois, les sifflements vaporeux faisaient vibrer les pierres sales et effritées qui constituaient cette ruelle. Les murs suintaient de liquides visqueux, et la tuyauterie bavait d'un humide gluant à l'odeur repoussante. Parfois la rue s'assombrissait, et d'étranges formes oscillaient sur les murs, dansaient sur le métal... Un bal où toute vie semblait s'engouffrer sans jamais en ressortir. Petit à petit les murs dansaient également et semblaient se mouvoir. La rue se refermait sur elle-même, compressant les écrous, oppressant les boulons. Les cliquetis s'accéléraient, s'intensifiaient. Les tuyaux crachaient plus de vapeur encore et les murs transpiraient, inondant le sol d'une substance indescriptible. L'atmosphère angoissante et étouffante s'alourdissait d'une odeur âcre et piquante. Les rideaux de pierres toujours plus agités emprisonnaient le gaz, ce dernier noyait alors la rue et ce qui s'y trouvait. La respiration du métal bouillonnant se faisait entendre. Se mêlant aux rouages qui frappaient le sol, dont les pulsations d'un cœur étaient audibles. La rue jusqu' alors morte, vide de toute âme, semblait elle-même prendre vie. L'angoisse, procurée par l'étroitesse dont la rue faisait preuve, se mêlait à la chaleur d'une fournaise. Le sol semblait se mêler au ciel pourtant inexistant. Et l'essence même de la dimension surnommée "espace" ne connaissait plus de logique. Les gaz s'échappaient maintenant de partout. Annihilant tout sur leur passage. Accompagnés d'une odeur de pestiféré. La rue s'engouffrait sur elle-même, dans une masse toujours plus sombre, plus mystérieuse. Parfois il semblait y luire des yeux, des milliers d'œils. Et des gouffres acérés d'où semblait ressortir un dialecte étrangement profane. C'était horrible, digne des plus grands écrivains d'horreur de notre époque. Ou des siècles passés. Seulement là, tout semblait vrai. La masse grandissait. L'atmosphère pesait jusqu'à en faire s'écrouler les structures de pierre. Constamment sonnait un bourdon. La vapeur sentait les égouts et la chair putréfiée. Le temps s'était arrêté depuis longtemps déjà. Une infinité de sensations exhalaient de cette rue. L'effroi de cette masse obscure, et semblant organique, n'avait pas de nom. Les sens n'avaient alors plus aucun sens. Les odeurs se tuméfiaient, le simple toucher de la sueur visqueuse qui rampait au sol provoquait la cécité. Un tunnel sans fin où tout s'engouffrait, le passé, le présent, le futur, l'espace, la conception même de la vie et de l'univers. Tout se contractait en un point. Une singularité.