gris bleu.

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ester se disait que le monde, dans sa totalité, était anormal. mais le monde n'avait la possibilité de se référer à rien de normal. c'était à se demander si la normalité avait un jour existé, ne serait-ce que sous forme de notion, et comme rien ne le prouvait, et comme on en doutait tous beaucoup, ester décida de retirer sa définition à ce mot, qui devint indéfini, à définir, du moins si quoi que ce soit un jour se présentait pour écrire une définition de normal, un quoi que ce soit le plus normalement possible dans la norme, de manière à devenir un référent, un exemple sur lequel ce monde imparfait pourrait s'appuyer, pour enfin se perfectionner. ça paraissait impossible que ce quoi que ce soit de la sorte apparaisse un jour, d'ailleurs ester en venait aussi à se demander si cela aurait un quelconque intérêt, ou même une quelconque beauté, que quelque chose d'uniquement normal soit.

après avoir survécu à des mois et des mois de souffrance intérieure, ester décida de faire un dernier effort, de tenter un dernier espoir, de tout retourner. elle n'avait plus rien à perdre à se barbouiller l'âme de bleu et de gris dans tous les sens, son cerveau étant probablement déjà loin et son coeur tournant apparemment le dos à pas mal de choses. le fait était qu'ester avait décrété qu'aucune raison valable n'existait pour l'empêcher de transformer son bleu-gris monde en un gris-bleu univers. univers parce que c'est bien plus grand, ça dure bien plus longtemps, ça contient bien plus de cachettes pour pleurer tranquillement et ça offre plus de distance à fuir et pour fuir.

ester ferma les yeux sur les risques d'iceberg, se dit qu'elle improvisera si la situation se présente mal et qu'un ultime choc subvient. elle ferma les yeux et respira avec son coeur troué, elle préféra n'aimer que les mots qui s'envolent ou qui se couchent sur le papier, le piano qui chante et sa voix qui joue avec le noir et le blanc, la littérature bleue ou non et la musique sur tous les disques du monde.

ester décida qu'elle avait raison depuis toujours.

se réveiller, inspirer, expirer, se nourrir, se coucher, tout ça n'avait plus aucun sens aujourd'hui, surtout au creux de ses sombres pupilles qui doutaient aimer vivre. la vie n'avait aucun sens. sa vie n'avait aucun sens. parce que sa vie pouvait prendre des tournants inespérés ou inattendus à chaque pichenette-seconde qui s'en venait, s'en allait. parce qu'elle pouvait décider de ne plus contrôler son esprit et de voir passer à travers son inconscient les mots "pomme fraise chaise pyjama bleu face fatidique pluie batifolante de souris cacahuètes virant à gauche ou à la droite du pacifique" sans que quiconque puisse y trouver ce concept imaginaire qu'ils adorent et appellent "logique". parce qu'une minute après un quelque chose, rien ne peut lui prouver que ce quelque chose a existé et qu'il s'agissait bien de la même ester qui pense à ce quelque chose à présent, qui finit même par se demander si cette pensée n'est pas qu'un rêve, puisqu'elle se demandera une minute plus tard si c'est bien elle qui a pensé cela. parce que tout à l'air d'être en équilibre sur le temps mais que personne n'a vraiment prouvé l'existence de ce dernier et qu'au fond, cela doit seulement être le nom donné à ce tout ça qui joue à enchaîner la création de choses, d'actions, de phrases, de nuages, sans arrêt, toujours sans aucun sens ou logique, peut être même sans tempo, parce que de toutes façons, il était impossible de croire au sens de la vie quand les grands idiots de ce monde cherchaient à nous faire croire à l'infinité de l'univers.

ester décréta que l'infini était immatériel, que par conséquent, la terre était ronde mais que l'univers avait forcément des limites,

et que la vie n'aurait jamais de foutu sens.

ester carboxyliqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant