"Couche toi !"
Aymeric avait crié en se jetant sur elle. Eléonore n'eut même pas le temps de respirer que son compagnon la soulevait et la traînait derrière lui. Elle courut, montant les marches deux par deux, rasant les murs avec une immense boule au ventre. Elle ne regardait que le dos d'Aymeric devant elle et quand il s'arrêta devant une porte, elle lui fonça devant. Il ne releva même pas mais ouvrit rapidement la porte.
"Monte ! Je ferme derrière toi !"
Il lui montra les escaliers en agitant une toute petite clé devant ses yeux.
"Et ... et vous?, murmura Eléonore, essouflée, se rendant compte qu'il avait oublié le vouvoiement.
- Je reviens très vite. Je vais juste vérifier quelques trucs puis je reviens vous surveiller. Surtout pas de bruit, personne ne doit savoir que vous êtes là pas même ma famille. Compris ?"
Eléonore hocha de la tête. Il la poussa sans ménagement dans les escaliers et ferma la porte. Eléonore se retrouva seule dans le noir. Elle se rendit compte que des larmes coulaient le long de ses joues. Elle grimpa doucement les marches car la peur la tétanisait. Arrivée en haut, elle se trouva face à une grande porte en fer. Elle la poussa mais la porte était fermée. Elle sanglota.
"Dans quoi je me suis embarquée ? Pourquoi ça ne s'ouvre pas ?"
Eléonore se laissa tomber contre le mur. Elle calma sa respiration et observa la porte. Elle était ornée de plusieurs arcs symétriques en fer. Puis elle remarqua qu'il n'y avait pas de serrure. Elle se releva pour s'approcher de la porte. Comment s'ouvrait-elle ? Elle passa sa main sur le fer frais mais ne trouva aucune faille. Chez elle toutes les portes s'ouvraient avec une clé et les pièces les plus sécurisées étaient gardées par un code qui changeait tous les jours en fonction des étoiles mais seuls son père et sa grand-mère le connaissait. Elle passa ensuite sa main sur le mur. Soudain son index rencontra une pierre plus haute que les autres. Eléonore se recula et, voyant que ce défaut ne s'apercevait pas de loin, elle appuya sur la pierre. Et comme par magie la porte s'ouvrit. Elle s'avança prudemment. La pièce dans laquelle se trouvait était tellement différente de ce qu'elle connaissait dans ce château.
"Une chambre, se dit la jeune fille en voyant un lit dans un coin."
Elle remarqua qu'il n'y avait aucune fenêtre. Elle appuya sur l'interrupteur pour mieux voir la chambre. Un grand tapis gris orné le sol tandis que les murs, blancs, accueillaient des photos. Des millions de photos. Elle s'en approcha pour voir qu'elles ne représentaient que deux petits garçons : un brun et un blond. Au fur et à mesure des photos, qui semblaient rangées par ordre chronologique, le blond fonçait devenant peu à peu châtain. Le brun semblait plus âgé que l'autre. Dans chacune des photos se dégageait une complicité entre les deux enfants. Sur le mur suivant ils avaient grandis. D'autres adolescents rentraient sur les photos. Eléonore avait l'impression de connaître ces jeunes hommes. Mais ce ne fut que lorsqu'elle passa sur le troisième mur, où seuls quelques photos étaient collées, qu'elle reconnu Aymeric et Florentin. Ils semblaient beaucoup moins stricts et froids que lors des conseils mais elle savait que la vie d'héritier était complètement différente de sa vraie personnalité. De plus personne ne savait qui elle était vraiment dans son pays car les courtisans et les habitants ne la voyaient que lors des sorties officielles (elle n'avait pas le droit de parler devant la télévision, les radios ou les journaux avant sa majorité). Même sa famille ne la connaissait plus que par son apparence de princesse depuis qu'elle suivait les cours intensifs pour venir à Benimi. Eléonore ne voyait plus d'amis et ne pouvait discuter avec son père, ses frères où sa grand-mère que pendant les dîners ou des entretiens hebdomadaires avec les dirigeants du pays. Elle n'avait aucun confident et en avait souffert. Eléonore comprit donc le lien étroit qui unissait Aymeric et Florentin.
"C'est surement la chambre d'Aymeric, pensa-t-elle rassurée sans même penser qu'elle était dans le camp ennemi."
Sa grand-mère l'aurait bien grondée d'avoir fait confiance à son futur beau-frère mais elle s'assit sur le lit et, fatiguée, s'endormit.
Ce n'est que quand un bruit fracassant retentit qu'elle se réveilla. Elle sursauta et se mit sur ses pieds. Mais elle ne vit que deux ombres essoufflées qu'elle s'évanouit de s'être levée trop vite.
"Mademoiselle de Mindre !, criait une voix."
Eléonore ouvrit doucement les yeux. Une main était posée sur sa joue et un visage était placé au-dessus d'elle.
"C'est bon, elle s'est réveillée, entendit-elle. Tu crois que je la porte sur le lit ?"
Une deuxième voix répondit mais Eléonore se sentit repartir dans un pays bien plus calme que le sol dure de la chambre. La personne penchée sur elle due le voir car elle la secoua.
"Non, vous restez avec nous !"
Soudain des bras la soulevèrent et la placèrent sur un matelas.
"Laisse là, elle doit avoir besoin de repos."
Eléonore comprit que c'était la deuxième voix qui avait prononcé ces mots puis elle s'endormit une nouvelle fois. Son sommeil fut agité. Elle nageait au milieu d'animaux qui semblaient inoffensifs mais ne pouvait pas respirer car si elle sortait la tête de l'eau des humains l'attaquaient à coups de bâtons. Elle se débâtait, pesant le pour et le contre de mourir noyer ou tuer par des hommes. Une main se posa sur son bras et son souffle redevint calme. La main continua pourtant à lui caresser le bras remontant vers ses cheveux. Cette main n'arrêta que lorsqu'elle fut sûre que la jeune femme dormait profondément. Alors le propriétaire de la main se leva doucement du lit en essayant de ne pas réveiller la belle endormit, fit un signe au deuxième occupant de la chambre et, d'un accord commun, ils ouvrirent la lourde porte. Le premier passa et descendit rapidement les marches dans un silence complet, le deuxième tenant la porte. Quand il remonta, il glissa un morceau de papier au portier puis il s'assirent tous deux au centre de la pièce. Ses gestes lents montraient son hésitation mais il ouvrit finalement le mot plié en deux. Il fronça des sourcils à sa lecture. L'autre s'approcha pour déchiffrer le message et une lueur d'angoisse assombrit ses yeux. Les deux hommes regardèrent la masse sur le lit. L'un d'eux soupira puis s'appuya contre le mur. Il haussa les épaules et, lisant une question dans les yeux du second homme, refusa d'un signe de tête. Dans un échange silencieux les deux hommes se disputaient. Le premier finit par asseoir son autorité. Ils échangèrent un dernier regard inquiet puis celui qui avait rassuré la jeune femme se leva et se coucha à ses côtés dans un soupire d'impuissance. L'autre laissa tomber le mot et s'installa sur le fauteuil face au lit. Le mot était face au plafond et, à l'écriture grossière, était inscrit :
On veut la fille. C'est la rançon sinon on passe au niveau supérieur

VOUS LISEZ
Rester silencieuse
General FictionElle part avec un secret et un mariage. Mais ne connaît ni l'un ni l'autre.