Cleo Flinns

Numéro 5

Pour l'instant, je me demande ou dormir. Je n'ai pas assez d'argent pour un hôtel, ou même un gîte... Bon, il reste qu'une seule solution... Je vais frapper aux portes en espérant tomber sur une vieille femme gentille. Je pense que je suis folle. Mais genre vraiment, en fait.

Je marche en direction de la ville, avant de tomber sur une impasse toute jolie, avec du sable et au bout, tout au bout, la plage et la mer. Il y a de belles villas, magnifiques. Je les regarde toutes. En marchant, je trébuche et je bouscule une fille de mon âge. Elle est blonde, aux yeux verts je crois et elle a une robe légèrement rose.

-Oh, désolée! Je t'ai fait mal ?

-Non !T'inquiète ! J'en ai vu, des touristes qui me bousculent !

-Je ne suis pas une touriste, j'habite à Roven Hills.

-C'est quand même loin! Tu es venue avec tes parents?

-Heu... Non. Je suis venue seule, j'ai fugué.

Oh mon dieu ! Mais qu'est-ce qui m'as pris ? Pourquoi je lui ai dit ça ? En voyant mon visage, elle voit très vite que j'ai gaffé et donc que je ne mens pas. Elle me propose d'aller au Starbucks, près de la jetée. Je dis oui et je la suis, sans parler, en me demandant si l'art de se mettre dans le pétrin est héréditaire.

On est arrivées. Elle me regarde avec ses yeux verts. Je sais qu'elle se demande pourquoi j'ai fugué.

-Pourquoi tu as fugué ?'(ah, qu'est ce que je disais.)

-Je...J'en avais envie.

Je peux pas lui dire. Parce que moi-même je n'ai pas envie d'entendre la raison pour laquelle j'ai fait ça. C'est trop. Je me lève, je coure, je retiens mes larmes.

-Hé ! Attends !!

Non. Je cours vers la jetée et je m'assois sur le ponton.

Si je devais lui dire pourquoi j'ai fugué, j'aurais dû commencer parle tout début. Le 21 août. Le jour où tout a basculé. Comme dans l'émission.

Ce jour-là, j'avais 11 ans. Il était 18h02, je m'en souviendrais toujours. Papa venait de rentrer de son boulot. Maman n'était pas là. Tout allait bien, j'étais d'humeur taquine. Quand il est rentré, j'ai vu que quelque chose n'allait pas. Il avait l'air énervé, alors je lui ai demandé pourquoi. Il m'a regardé en me murmurant de le laisser tranquille. Alors je l'ai laissé, jusqu'à ce que je le vois dans la cuisine, ouvrant une bouteille d'alcool. Je l'ai regardé bizarrement, parce qu'il ne buvait jamais d'alcool. En plus, ce jour-là, j'avais appris que l'alcool pouvait avoir des effets très néfastes, et créer une dépendance, qui, elle, peut tuer la personne qui en consomme. Je n'ai jamais retenu aussi bien une leçon de ma vie.

-Pourquoi tu me regardes comme ça ? Va-t-en !

-Mais, papa...Bon, bref, comment s'est passé ta journée? Ton boulot ?

Il a bu une dernière gorgée. Il a tourné la tête.

-Je n'en ai plus.

-Quoi?

-JE N'EN AI PLUS !

Ce qui suivit n'a duré que quelques secondes, mais pour moi cela a duré une éternité. Il a saisi un verre a côté de lui. Il l'a pris et me l'a jeté dessus. Le verre a touché ma peau, près de mon œil. J'ai senti que le sang coulait, j'ai eu mal. J'ai couru en haut, dans la salle de bains. Je me suis regardé dans le miroir. Du sang coulait jusqu'à mes mains. Je me suis assisse, j'ai pleuré, j'ai culpabilisé. Je suis restée cachée, enfermée. Mon père était mort. Tué de l'intérieur. Ce n'était plus lui. Je sais que si je n'avait pas posé la question, rien de tout ça ne serait arrivé. Ma vie n'aurait pas changé. Il a eu raison de me lancer le verre. J'étais partie trop loin. Je le savais. C'était ma faute.

Depuis, je restais assez silencieuse, perdue dans mes pensées, seule dans ma tête. Je ne riais qu'à de rares occasions. Je les détestais. Mon père et ce sentiment de culpabilité. Deux voix se mélangeaient dans ma tête :

Cléo 1 : ''Ce n'est pas de ta faute. Il ne devait pas faire ça. Arrête de te gâcher la vie pour ça. Surmonte ces épreuves.''

Cléo 2 :''C'est de ta faute ! Pourquoi tu l'a soûlé aussi ? T'es parti trop loin. Bien fait,ça t'apprendra.''

Si un jour je les vire toutes les deux, que restera-t-il ?

La fille blonde me rejoint. Elle me tends mon Starbucks. Je pense que ça a coûté beaucoup trop cher pour qu'elle s'en débarrasse comme ça.Elle me propose de dormir chez elle. J'accepte. De toute façon, où pourrais-je aller ?

Arrivée chez elle, on monte dans sa chambre. Elle me dit que ses parents sont absents jusqu'au surlendemain, vers les 14h, puis elle parle, elle parle. Je l'entends, mais je ne l'écoute pas. Elle s'appelle Lily, elle a 14ans, bla bla bla... Le soleil se couche, je lui dis enfin que je suis fatiguée. Lily me répond que je peut dormir dans la chambre d'amis. Je la remercie,un peu froidement, mais mon coeur est gelé. Je me glisse dans le grand lit. Un lit beaucoup trop grand. Je mets la tête sous la couverture et je hurle en silence, jusqu'à ce que plus aucun son ne résonne en moi.