Prologue

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Elle courait aussi vite que ses jambes le lui permettaient. Sa mère courait devant elle. Il fallait qu'elle la rattrape, mais elle fatiguait.

La dense forêt était plongée dans une telle obscurité qu'elle ne voyait pas où elle allait. La seule chose qu'elle savait, c'était qu'elle devait fuir. Fuir, pour qu'il ne l'a rattrape pas. Elle lui semblait que sa mère l'appelait, mais elle ne comprenait pas. Elle n'entendait rien. Tout autour d'elle lui paraissait irréel comme si le temps tournait au ralenti.

- Cours ! Cours vite, il arrive !! lui cria sa mère.

Elle voulait accélérer mais elle avait l'impression de faire du surplace. Elle finit par rattraper Thalassa. Elle voulait savoir où il était, si il était juste derrière ou à plusieurs mètre d'elles. Elle jetait des regards à la dérobée par-dessus son épaule en courant sans ne jamais l'apercevoir. Soudainement elle trébucha. A ne pas regarder là où elle posait les pieds, elle s'étala de tout son long sur le sol humide et terreux. Elle essaya de se remettre à courir mais sa cheville la faisait horriblement souffrir. Dans la nuit, part les faibles rayons de la lune qui parvenaient à traverser l'épaisse verdure des arbres noircie par l'obscurité, un os blanc telle une mâchoire aux crocs aiguisés surgissait de sa botte dans un torrent de larmes rouges que déversait le cuir de sa botte. Impuissante, elle serra sa propre mâchoire en comprenant d'où lui venait cette douleur fulgurante qui l'a saisi aussitôt. Elle se l'était cassée. Elle s'appuya sur le tronc d'arbre qui avait causé sa chute lorsqu'elle remarqua une chose inquiétante. Ce tronc ne fut pas tombé naturellement lors d'une tempête, mais quelque chose ou quelqu'un l'avait placé là. En effet, il n'y avait aucune trace d'un trou où il aurait pu s'y trouver auparavant. Elle savait que cette forêt grouillait de monstres plus puissants et effrayants les uns des autres, mais aucun d'eux n'aurait pu déraciner un arbre de plusieurs millénaires comme celui-ci. Aucun homme ou monstre, aussi puissant qu'il soit, n'aurait pu faire cela. Aucun. Personne. Sauf lui.

Thalassa s'arrêta brusquement. Elle était raide, ne bougeait plus, comme pétrifiée. Elle recula. Un pas, deux pas. Se retourna et courut auprès de sa fille. Cette dernière aussi l'avait remarqué. Il était là, devant elles, avec ce même regard et ce même sourire aux coins des lèvres que lorsqu'il allait la torturer, lentement, dans sa cage. Il s'approchait toujours de plus en plus. Il faisait plus de deux mètres mais paraissait en faire davantage dans le noir de la nuit et de cette forêt. Bien qu'il fut impossible de distinguer quoique ce soit, Thalassa voyait parfaitement la peau granuleuse de son mari, grise et dure comme de la pierre. Il traînait derrière lui le long fouet qui, quelques heures auparavant, torturait et rouait de coups le corps de sa fille et cela depuis des centaines d'années. Il était couvert de sang. Cependant ce détail ne semblait pas inquiéter son propriétaire mais plutôt le réjouir et lui apporter une certaine satisfaction. Le seul fait de songer que ce sang pouvait s'agir du sang de son enfant la fit tressaillir et elle serra sa fille de plus bel. Il n'était plus qu'à trois mètres d'elles. Il lâcha le long serpent de cuir inanimé à ses pieds sur la mousse humide de la forêt. Il regarda sa fille, ouvrit ses bras et se mit à parler.

- Et bien mon enfant, pourquoi me fuis-tu ? Tu n'aimais pas ta chambre ? demanda-t-il à sa fille en lui souriant tel un père aimant. Pourtant tu étais nourrie et logée tous les jours. Et je te proposais même de faire des petites activités pour éviter que tu ne t'ennuies.

- Quand tu parles d'activités, tu parles des heures où tu la sortais de sa cage pour lâcher sur elle une meute de chiens enragés et pour te délecter de sa souffrance ? s'écria Thalassa en colère. C'est ta fille, Thanatos ! Tu n'as pas le droit de la traiter ainsi !

- Pourquoi ? s'indigna-t-il. C'est très divertissant de la voir se battre pour sa vie. Savais-tu qu'elle se battait en se métamorphosant en loup blanc géant aussi grand que Fenrir ? Ses yeux sont incroyables aussi quand elle se transforme ! Ils sont de nacre comme la neige et vermeille comme le sang ! Une vraie tueuse, tu devrait être fière ! Ton royaume se remplira vite grâce à elle !

- Tu veux dire grâce à toi ! rétorqua sa femme. Il n'y a que toi pour sacrifier autant de vies ! Tu es un monstre, Thanatos !! Tu l'as toujours été... Mais aux noms de Chaos et de Chronos, laisse notre fille en dehors de tout ça ! Tu sais pertinemment que je ne suis pas partie à cause d'elle mais à cause de toi. Alors je t'en prie, je t'en supplie, laisse la partir, elle n'y est pour rien !

- Et toi tu sais très bien que je ne fais pas cela à cause de toi mais, que la seule et unique raison de mes agissements c'est elle !

Elle les regardait, appuyée sur son tronc d'arbre, souffrant comme elle n'avait jamais encore souffert durant le temps où ses parents se disputaient et criaient dans toute la forêt. Elle n'avait jamais eu aussi mal à cause d'une cheville cassée. Elle soupçonnait son père d'utiliser ses pouvoirs pour augmenter la douleur qu'il devait croire insuffisante. Malgré cette douleur incessante, elle remarqua une chose. C'était la première fois qu'elle voyait sa mère supplier une personne à genoux. Elle se soumettait. Cela ne lui ressemblait pas, cependant elle aurait pu faire n'importe quoi pour épargner la vie de sa fille unique. Sa mère la regardait droit dans les yeux. Son regard était triste et suppliant. Elle ne suppliait plus son mari mais sa fille. Elle hocha la tête en un signe d'approbation de façon à ce que seule sa fille le perçoive.

Soudain celle-ci se releva avec tant de bien que de mal, observa sa mère, évita le regard de son père et leva les deux mains vers le ciel étoilé de la nuit. Tout se passa en quelques instants. Un rayon lumineux bleu jaillit de ses mains, ouvrant une brèche dans l'espace. La fureur des cieux éclatèrent autour d'elle. Le calme apparent du bois était rompu par le tourment déchirant qu'elle provoquait. Elle fut aussitôt aspirée dans un tourbillon de lumières violacées et électriques laissant ses parents seuls dans cette forêt d'obscurité et de ténèbres.

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À la lueur de la lune, ses cheveux blonds brillaient comme un soleil. Ils ondulaient soigneusement répartis sur ses deux épaules. Elle ouvrit peu à peu les yeux. Ils étaient d'un bleu profond, plus bleu que le ciel, plus bleu encore que les océans. Ils étaient tout simplement éblouissants. Elle essayait de reprendre ses esprits. Sa tête lui faisait tellement mal qu'elle n'arrivait pas à se relever et retombait systématiquement sur une herbe humide et froide. Bien qu'il faisait nuit, elle voyait parfaitement clair, ce qu'elle trouvait tout à fait anormal. Mais le plus inexplicable, était le fait qu'elle ne se souvenait plus de rien. Elle ne se souvenait plus d'où elle venait, comment elle était arrivée là et surtout, où elle était. Tout ce qu'elle savait, c'était son nom, Thalia. Mais elle était sûre d'une chose, qu'elle n'était pas de ce monde.

Yggdario: L'éveilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant