Lui

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J'ai mal à la tête. 

Mon sang affolé se cogne brutalement contre mes tempes, me monte à la tête et frappe mon cerveau. Il faut que je me réveille. Mais je suis bien dans l'obscurité. Je me sens apaisée. Les cris des autres, Là-bas, ce sont tus. Je n'entend plus le fracas métallique des machines. Tout s'est arrêté. Il n'y a plus que le silence. Et le noir. Cette nuit qui m'aveugle, me protège de l'extérieur. Je suis plongée dans une mer d'encre, je coule vers le fond sans jamais remonter. Je me noie à l'intérieur de mon corps, de ma tête. Mon esprit déjà inondé se débat, meurt lentement dans un coin de mon être. 

J'ai peur. 

Je ne veux pas me réveiller. J'ai peur d'ouvrir les yeux, que tout disparaisse. Que reviennent les infernales habitudes. Et les autres. J'ai peur qu'ils me rattrapent. Que tout ça n'ait servit à rien. Plongée dans l'obscurité, je fuis. Je les fuis. Je m'évade de cette vie monotone qui m'empoisonne. Je me libère de ce fardeau qui me casse le dos. Je refuse de boire encore leur poison, je ne veux pas de ce venin qui me brûle de l'intérieur. Je veux disparaître. N'être qu'infime. Infiniment vide. Ne pas être. N'être plus rien. Rien en ce monde trop grand. Ce monde de tout. Rien du tout. 

Je veux être libre de ne pas être. 

Pourtant ... J'ouvre les yeux. Mais tout est blanc. La lumière m'arrache un cri de surprise. J'ai mal.

Je veux voir.

Je reprends espoir. Recroquevillée sur moi-même, je me débat, je me force à me relever. Je dois rester debout sinon, je ne pourrais pas courir. M'enfuir. Je secoue la tête, mes mains glissent contre le seul. Il est froid, sec. Une odeur salée flotte dans l'air. Le parfum acre et désagréable de la mer. Celui de ma liberté. Et alors que je lutte contre la puissante lumière du jour, je réussi à entrouvrir les paupières. 

Je vois

Et un sourire illumine mon visage. Tout est blanc. Blanc, comme les ailes des colombes. Blanc, comme la neige sous le soleil. Blanc, comme le linge qui sèche au vent. Blanc, comme les nuages en été. Blanc, comme une feuille de papier. La couleur de la paix, et celle de mon cœur. 

Je suis sur l'autre rivage. 

Je me lève. Je tiens à peine debout, mon corps si lourd me fait tanguer comme un bout de bois sur une mer agitée. Je me force pourtant à rester droite. Je ne dois pas flancher. De plus en plus habituée à cette intense lumière, je contemple cet autre monde dont j'ai tant rêvé. Tout est Blanc. Le ciel est blanc, la terre est blanche. Il n'y a pas d'horizon. Que du blanc. De partout. 

Il n'y a rien. Rien d'autre que moi. Je savoure cette solitude, je me sens renaître dans le calme et le silence. Et j'aime ça. Je contemple cet infini incolore. C'est beau. C'est tout ce que je suis. Ce rien constant, cette absence de tout. La non-vie, mais pas la mort. 

Soudain je m'immobilise, un souffle infime me caresse la joue. D'un bond, je me retourne, mais je ne suis pas assez rapide. Quelque chose de dur percute mes jambes. Je tombe en avant et tout mon corps percute le sol. J'ai mal. Je pousse un grognement indigné. 

Je sais qu'il est là. 

Il va me le payer. 

Je reste allongée contre le sol quelque instant, j'attend que la douleur s'en aille lentement. Puis, je replis mes bras et je m'appuie sur mes coudes pour relever la tête. 

Il est là, debout au milieu du blanc, il fait tâche sur le décor. Les bras croisés sur sa poitrine, un air méprisant marqué sur chacun de ses traits. Il se moque de moi. Il a raison. 

La MenteuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant