Renard

Une plainte profonde résonne dans mon coeur, en même temps que celle qui est provoquée par la forêt entière, sous le coup de feu. Les arbres qui grincent semblent se lamenter de la présence des chasseurs. Il ne vont pas m'avoir...
Je me mets à courir, les pattes effleurant le sol, mon pelage roux remuant dans le vent. Un nouveau coup de feu retentit et je dérape sous l'effet de la surprise. Des oiseaux s'envolent. Un sanglier passe devant moi à toute allure. L'équilibre fragile de la nature, dans lequel chaque êtres vivants respectent les autres, les craignent ou les dominent, est entièrement bouleversé par ces coups de feu.
Et dans ce cas-là, ce qui se passe en ce moment même, tous les animaux fuient, sans se soucier de leurs prédateurs ou de leurs proies, ils forment tous une armée vaincue, terrassée par une force cruelle : les hommes.
Et je fais partie de ces animaux terrorisés.
Je dois continuer à courir.
Soudain, une balle siffle. Elle esquive de peu mon flanc tandis que je vire vers la gauche.
Mes petits m'attendent au terrier... Je ne peux pas les abandonner...
L'aboiement lointain des chiens de chasse se rapproche. J'aperçois derrière moi ces canidés cruels qui courent dans ma direction.
Ils me prennent donc en chasse. Moi, renarde, mère de trois renardeaux affamés. Dans l'élan du désespoir, je m'élance plus vite encore.
C'est alors qu'une explosion jaillit dans mes tympans. Je m'arrête net.
Non...
La balle m'a touchée.
Mon épaule me fait terriblement souffrir. Je pousse un gémissent de douleur et je titube. Je dois continuer.
Une deuxième balle. Cette fois, dans le flanc.
C'est fini.
J'halète et m'écrase dans la terre meuble du bois. Mes petits... Ils m'attendent...
J'agonise. Je gratte le sol furieusement sous l'effet de la terreur et de la souffrance. Je crache un bouillon de sang, et ferme les yeux. Les chiens se rapprochent, et martèlent la terre qui aspire mon sang, et de ce faite semble aspirer mon âme.
Mon coeur bat pour la dernière fois.
Et je m'envole, offrant mon corps aux humains, au prix de ma vie et de celles de mes renardeaux.