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J'étais seule, dans le désert infini, à plusieurs milliers de kilomètres de ce qui constituait mon existence. Je me trouvais là, vivante comme jamais je ne l'ai été : je pouvais enfin me recentrer sur moi-même et être davantage à l'écoute de mon corps et de mon esprit. Me voilà seule et le monde entier me tendait les bras alors je n'allais pas baisser les miens pour entreprendre et accomplir de nouvelles choses.
Je marchais dans l'ombre dans mes pas, vers cette ligne fondue et inatteignable déformée par le soleil. Mes pieds étouffaient, suffoquaient dans mes souliers où le sable venait lentement s'y égrainer comme une sorte de douce torture... Je venais de quitter, non sans peine, un village rongé par ce que les occidentaux nommaient la pauvreté. Si petit, si désert et pourtant chaque habitant pouvait compter pour mille. Il y avait ces gens du troisième âge au visage tiraillé par le temps et la sécheresse, qui me découvraient avec une pointe d'interrogation ; ces jeunes adultes qui m'avaient recueillie à bras grands  ouverts durant quelques purs instants  et puis ces enfants, ces petits êtres qui m'observaient avec amusement. Mon gros sac à dos ne passait décidément pas inaperçu... Mes petites étoiles du désert... toutes scintillantes de naïveté. Je semblais tellement différente, étrangère mais à la fois je me sentais comme chez moi. Un sentiment si indescriptible... Comme quoi, on pouvait trouver une famille là où on ne s'y attendait pas.
Chaque pas semblait être une renaissance pour moi. Ce paysage qui bordait mon regard, je ne pouvais m'en lacer : les dunes dorées m'appelaient en un sifflement... Je perdis l'équilibre à maintes reprises, manquant toujours de crouler sous le poids de mon corps épuisé mais invincible, et mes jambes qui souhaitaient fusionner avec l'immensité aride. Chaque brise bouillante qui venait, faisait apparaître au raz de mes yeux un voile de poudre de bronze brillant et irritant à la fois. Je pouvais sentir mon visage se faire griffer par les grains de fer et les rayons du soleil de plomb malgré mon chèche soigneusement ajusté. La modeste cité qui s'éloignait petit à petit paraissait couler dans le magma de sable mêlés aux degrés à en faire se dissoudre le mercure.
Comment les enfants faisaient-ils pour jouer indéfiniment, comme si le temps était insoluble, à l'image des graines qui dévalaient les pentes ardentes, dans leur course effrénée après les rafales... C'était leur quotidien, le sablier qui constituait leurs jours. Au diable non ! Ils ne se plaignaient jamais de cette chaleur... 

Je me souviendrais toute ma vie de ce crépuscule, où je pouvais encore observer l'horizon, de ce petit garçon qui était venu s'asseoir à mes côtés et qui m'avait prononcé : "Ici, le désert est comme une deuxième mère." Puis lorsque je posais de nouveau mon regard sur les dunes, des courbes se dessinaient lentement dans les ombres. Féminines et sensuelles, elles semblaient évacuer toute la fièvre de la journée en ondulant lentement, laissant place à la fraicheur mordante de la  nuit.
Une nouvelle bourrasque me fit sortir de mes pensées. Tant de choses j'avais appris durant cette période si brève ! Je m'arrêtai net. Je vis quelque chose, ou plutôt quelqu'une... Une jeune femme me faisait face. Elle était là, immobile et toute vêtue de blanc. Était-ce un Mirage ?
Elle était si belle, si fragile, si réelle et je crus même reconnaître une lueur dans son regard translucide. Puis soudain, le sirocco brûlant, puissant comme un rideau de fer qui s'abattit devant moi, tranchant, presque comme des lames de rasoirs.
Elle disparut...
Peut-être fut-elle le nouveau dessein de mes aventures qui constituait ce voyage ?

MIRAGEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant