2 H. A.K - Empire Of Game-

Sauce Tartare ou sauce du Chef ?

Hadès contemplait silencieusement, un drachme entre les doigts, ses eaux maudites.

La voir était devenue pour lui un étrange loisir auquel il ne pouvait plus se soustraire.

Il passait donc ses journées assis sur son trône d'obsédienne à la regarder, à tenter de la cerner, à essayer de retenir tous ses gestes, de capter l'essence de sa pensée.

Il ne savait pas vraiment pourquoi d'ailleurs mais cela lui était égal.
Cela lui convenait.

Son regard millénaire semblait alors s'animer, rappellant quelques vagues souvenirs d'une sensation chaleureuse au coin de ce que les hommes appellent un cœur.

Un cœur qu'il avait décidé d'épargner.

"Toujours et à jamais"

Comme le jurait si bien chaque couple qui se présentait devant l'autel.

Lui, ne préférait ni le toujours ni le jamais.
Il en avait déjà obtenu un aperçu.

Il ne s'en rapprocherait jamais plus.

Tous ces Dieux qui nageaient dans les eaux les plus sombres de la perversion lui donnaient des envies de meurtre.

Détacher joyeusement leurs têtes de leurs troncs.
Broyer avec une lenteur exquise leurs yeux hypocrites.

Bref. Un bien beau spectacle en somme.

Chaque décennie passée rivalisant avec la nouvelle en matière d'ingéniosité de l'horreur.

Un souvenir fugace envahit la mémoire du Maudit. Un murmure. Un rappel lointain de ce qu'il avait fait.
Mais Hadès n'était pas lâche, alors il se jeta à corps perdu dans le souvenir, ne cherchant pas à le fuir, afin de se rappeler ce pourquoi il devait lui éviter le Jeu.

                           °
Le corps parcouru de convulsions plus terribles les unes que les autres, le corps bougeait contre sa volonté, agité par des tremblements sans fins.
Les muscles étaient contractés à leurs maximum. Si tendus, si saillants, qu'on aurait pu les retirer de leurs emplacements avec une facilité déconcertante.
La pensée même de souffrir était une odieuse ironie face à ce qui se déroulait devant leurs yeux.

Non.

C'était bien plus que cela.

Quelque chose se déchirait au plus profond de son être à lui.
Quelque chose d'effroyable.
Presque aussi effroyable que la boucherie sous ses yeux.

Cependant, dans cette atmosphère sanglante, pesait une question silencieuse. Comme une réponse à ce dechaînement de violence.

«Qui d'Eux gagnerait ?»

Telle était la question qui taraudait tous les esprits sans exception...
Enfin.
Parmis ceux qui résistait à l'Épreuve bien sûr.

Pour cela, il fallait seulement oublier les cadavres qui jonchaient le sol.

Oublier ceux qui mouraient.

Oublier les cris d'agonis.

Oublier les hurlements de ceux dont ont peignaient les murs de leurs sang.

Oublier ceux qu'on avait aimé .

                              °
Un bruit se fit entendre au loin, et rappela Hadès à la réalité.
Ses yeux couleur de l'abysse se posèrent sur ses propres mains.

Il transpirait.

Hadès, cependant repris aussitôt un rythme cardiaque raisonnable en sachant que tout irait bien tant que l'autre cinglé ne la retrouverait pas.

Celui-là même qui était devenu la risée de sa famille au fil des décennies. Celui qui n'avait jamais pu participé une seule fois au Jeu.

Tout simplement parce qu'il n'en avait jamais rempli les conditions.

Il lui fallait une championne.

Mais pas n'importe laquelle.
Une qu'Il estimait.
Une qui serait capable de faire lui ressentir quelque chose.
Une qu'Il serait en mesure d'aimer.

C'était un championnat de souffrance, se rappela-t-il avec amertume

Les pensées aussi sombres que les eaux du Styx, Hadès faisait distraitement tourner en rond le drachme.

Tout cela n'avait duré que quelques instants.

Mais en se rappelant du pourquoi il avait cette pièce en main, il la jeta dans les airs avant de la faire retomber sur son avant-bras dans un bruit sec.

Il souleva sa main.

Pile

Le roi des Enfers, souleva le coin de sa bouche en un rictus sarcastique.

«Encore perdu Icare»

Le jeune homme en face se décomposa.

«Oh n... Jura-t-il

-Quoi ? Que dis-tu ? Je ne t'entends pas... Provoqua le Dieu majeur

Icare, lui, jurait et insultait de tous les noms le Dieu des Enfers.

-Je suis sûr que tu as encore triché
Espèce de Fourbe! Hurla t'il, furieux

En face, Hadès était hilare devant ce bout d'homme qui était, littéralement, en train d'essayer de casser le trône à coups de pieds.

Bien évidemment ce dernier arriva tout juste à joyeusement réduire en miettes son tibia droit.

-Tu n'es rien qu'un mauvais joueur petit Homme, ricana d'un air suffisant Hadès

-Je refuse le gage !

Hadès haussa un sourcil, faussement mécontent.

-Ah tiens, le misérable petit insecte est multi récidiviste désormais ?»

Icare plissa les yeux, et d'un geste rageur, lui donna un coup de poing.
Bien évidemment, ses os craquèrent instantanément, dans une symphonie de sons assez lugubres, rappellant vaguement ceux d'une sauterelle écrasée.

Icare avait toujours perdu contre Hadès à ses jeux-là. Mais c'était plus fort que lui, Icare se sentait obligé de se brûler les ailes dans tout ce qu'il entreprenait.

Cela, Hadès le savait fort bien et avait prit la maligne habitude de s'en servir contre lui.

Mais soit.
Icare était sûrement le seul dans ce bas-monde à pouvoir voir d'aussi près le visage du Dieu et pouvoir le défier sur ce qu'Il appellant les «jeux du bon-temps».

«Aller arrête tes sottises et va me faire ces patates frites» lui ordonna avec un amusement certain le Dieu à la chevelure de jais

Icare, boudeur, s'en alla en traînant les pieds, de la salle du trône.

Bien sûr qu'Hadès aurait pû lui demander d'autre chose, mais cette tâche était sûrement l'une des plus humiliantes et inutiles qu'il avait en stock.

D'autant plus qu'Icare savait parfaitement qu'Il n'allait pas toucher à cette nourriture humaine.

Non, Hadès lui ordonnait des patates frites, juste pour le plaisir de l'emmerder.

Cependant, pendant cette joyeuse altercation, le Dieu des Enfers n'avait pas pas pu voir dans ses eaux divines le jeune homme embrasser sa belle blonde et un Dieu ailé passer furtivement entre les arbres de la forêt.