Chapitre 18

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J'arrive à la maison en moins de vingts minutes, alors qu'il m'en a fallu quinze de plus à l'allé. Je rentre précipitamment. Ma mère incrédule me regarde, entrer en trombe et fermer la porte à double tour. Quand mon regard croise le sien, j'éclate en sanglots. Je m'effondre sur le carrelage de l'entrée. Elle se précipite vers moi.

« Aude, qu'est-ce qui se passe ? » s'affole t-elle en s'agenouillant pour être à ma hauteur.

Mon beau-père débarque dans la seconde qui suit. Tous les deux sont complètement perdus. Je n'ai jamais craqué devant eux. Ils n'ont pas l'habitude. J'aurais pu, mais le plus souvent, je me retenais. Je laisse aller ma tête sur la poitrine de ma mère, croyant que ça ira mieux. Grosse erreur. Son parfum, celui qu'elle a depuis tant d'années, me rappelle pleins de choses. Alors, mes pleurs redoublent.

« Aude, je t'en supplie, dis moi quelque chose » m'implore ma mère, en me serrant contre elle.

Je n'arrive pas à enchaîner deux mots. Les pleurs sont trop violents. Ils veulent tous sortir en même temps. Ils n'ont pas compris qu'ils finiront tous par sortir, et que ce n'est pas la peine de forcer le passage.

« Je... je... l'... l'ai... »

C'est trop difficile.

« Aude, calme toi, respire un bon coup. », conseille tout bas mon beau-père.

J'essaie d'inspirer lentement, et de parler clairement. Sauf que ce mot reste coincer en travers de ma gorge. Je ne peux plus regarder ma mère. De toutes manières, je ne vois rien. Je suis aveuglée par mes larmes. Je pense que ma mère a dû comprendre. Bon, ce n'est pas très difficile car il y a peu de choses qui peuvent me mettre dans cet état. Elle me prend la main. Je ferme les yeux.

« Thé.. Théo » je murmure d'une voix craquelée que je ne me connaissais pas.

La main de ma mère se resserre sur la mienne au point de me faire mal. Je m'accroche à son cou.

« Maman...

- Je me doutais qu'il allait vouloir te reparler Aude... S'il te plaît, ne te mets pas dans un état pareil » soupire t-elle, en me serrant très fort.

Je sais qu'elle pense le contraire de ce qu'elle dit. Elle sait que c'est normal que je réagisse comme ça, mais c'est plus simple de le garder pour soi. Je finis par me calmer. Ma gorge est sèche. Mes yeux doivent être plus que rouge. Je les sens complètement gonflés. Mon beau-père m'accompagne dans ma chambre. Il sait que tout ça le dépasse et ne cherche pas à s'en mêler, juste à nous aider. C'est pour ça que je l'aime plutôt bien.

« Repose toi Aude, chuchote t-il, en fermant mes volets. Si tu as encore envie de pleurer, vas-y. Ah si tu veux appeler ton père, fais le. Je n'aime pas voir les gens tristes. Je sais que je ne peux pas comprendre, ta mère me le répète souvent. Fais ce qui peut t'aider, d'accord ?

- Oui..., je souffle, légèrement touchée par ses mots.

- Je reviendrai te voir dans quelques temps, mais avant, je t'apporte ton déjeuner. Tu en feras ce que tu voudras.»

Je me contente de hocher la tête. Je n'ai pas trop faim. Cette rencontre improvisée m'a complètement déstabilisée. Je me doute que cette réaction est complètement disproportionnée, mais je ne m'attendais pas à le revoir de si tôt. Enfin, moi je pensais qu'il s'appelait Maxence... La dernière fois qu'on s'est vu, c'était pour l'enterrement de Margaux. Dans son costume noir, il se retenait de pleurer. Je me souviens, lorsqu'il m'avait vu, seule, il s'était approché de moi. Côte à côte, on regardait droit devant nous, incapable de croiser le regard de l'autre. Avant que j'aille faire mon discours, il m'a pris la main, et la serrée très fort. Je ne sais pas comment ni avec quelle force je l'ai fait, mais j'ai réussi me traîner péniblement jusqu'au pupitre. J'ai sorti ma feuille, et pendant les dix minutes qui ont suivi, je n'ai pas réussi à relever la tête de mes notes. Quand j'ai risqué un regard aux personnes qui me regardaient, j'ai vu beaucoup, voire énormément de larmes. Maxence/Théo avait réussi à sourire, entre deux sanglots étouffés. Je suis allée le rejoindre, tout au fond. Il m'a pris dans ses bras. J'y ai pleuré sans pudeur.

« Tu es courageuse tu sais ma Aude, je t'admire beaucoup. Surtout, n'oublie pas qu'elle t'aimait plus que tout, m'avait-il murmuré à l'oreille.

- Elle t'aimait aussi tu sais. Tu as su lui donner de l'espoir, tu l'as aidée à rester en vie un peu plus longtemps. Je ne te remercierai jamais assez pour avoir fait ça.

- On ne l'oubliera jamais. Je sais que tu es aussi détruite que moi, enfin même pire, mais, tiens le coup Aude, ne lâche rien.

- Je n'y arriverais pas..., j'avais chuchoté tout bas.

- Tu y arriveras Aude, tu as juste besoin d'aide.

- Mes parents ont complètement lâché prise... Je suis seule, tu le sais bien...

- Je ne te lâcherai pas Aude... »

Ce jour-là, je savais déjà que je ne voulais plus entendre parler de lui. Nous étions assez proches, je l'aimais beaucoup, mais, je ne pouvais pas garder contact avec le passé de ma sœur... Mais, est-ce que ma mère sait pour ça ? Est-ce que ma mère sait que Théo s'est fait passé pour le petit-copain de Margaux ? Je n'y comprends plus rien ! Je m'endors rapidement, après avoir gigoté sous les couettes, quelques minutes... Le sommeil me fera le plus grand bien...

Et moi, j'ai dû rester...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant